Charles Schnock

« La Nostalgie, camarades! » Ça y est, Schnock avoue sa nostalgiose. Une maladie qu’il est si doux d’attraper, à condition de la soigner avec un remède virulent, comme des articles démystifiants écrits par des jeunes et des moins jeunes. Le dossier Serge Gainsbourg ne fait intervenir ni Lulu, ni Charlotte, ni Bambou, ni Jane, mais évidemment l’entourage de l’ombre du génie français. Malins. D’abord le groupe Bijou (punk around the bunker) qui l’aidera à faire son retour fin 70’s, Jacky Jakubowicz (sans Corbier, qu’est devenu Corbier d’ailleurs?) l’entremetteur de chez Phonogram, Alan Hawkshaw l’arrangeur d’Angleterre, puis aussi les raretés et les ratés en chanson, la genèse de Bonnie & Clyde, le dessin animé Marie Mathématique ou pour clore, l’excellent récit de Jean-Noël Gabilan intitulé « Ne jamais rencontrer son idole ». Grandeur, décadence et Campari.

Dans ce n°6 de Schnock, on peut aussi lire les tristes aventures de Groquik, ancienne mascotte de Nesquik virée à cause de sa surcharge pondérale pour être remplacé par un lapin pourri. Les cons. D’autres aventures qui n’ont rien à voir, celles de Bob Maloubier, un espion bien de chez nous, non pas sorti d’un roman Fleuve Noir mais bien des réelles années 50. Qui se souvenait de BAXTER ? Le génial film de Jérôme Boivin mettant en scène un bull-terrier misanthrope et criminel mais finalement terriblement humain. Le film de 1989 n’aura plus de secret pour vous, ah si, un: quelle était cette chanson NDW qui faisait « ich liebe dich dich dich » ?

Le dernier gros dossier du numéro se nomme « Le RAP: Une invention française » signé Vincent Piolet. Les salauds ont osé. NYC, 1981, Jean Karakos fonde le label Celluloïd, Bernard Zekri l’appuie, vous connaissez la suite: Bambataa, Time Zone, Futura 2000, Material et compagnie. Le rap, une invention française incompatible avec l’hexagone ! (Est-ce pour conjurer le sort qu’autant de livres/articles sur le sujet sortent en ce moment ?) En gros, encore un numéro plein à craquer qui fait mieux que le précédent, sans oublier la chronique de Ces garçons qui venaient du Brésil et un top hilarant sur les biscuits apéritifs. « Vous n’avez pas mangé depuis deux ans ? Schnock est fait pour vous. »

[Je n’avais pas parlé du n°5 (pour cause de Bande du Splendid) qui compte quand même un putain de texte sur Maurice Ronet, le maudit magnifique du cinéma français, un point sur Jacky Chalard le rocker-disco, un dossier sur la R16 et un entretien avec Michel Crémadès !]



Pour Charles, revue axée politique crée dans la foulée de Schnock par les Éditions La Tengo, c’est une autre histoire. Quand on voit le pédigrée de certains intervenants (de Guillaume Durand à Clémentine Autain en passant par Nicolas Bedos ou Laurent Joffrin et son essai littéraire sur Sciences-Po!) on se dit que ça respire un peu trop le consensus mou. Mais Charles donne aussi la parole à des anonymes, voire à des entités infréquentables ! Témoin: un entretien incroyablement stoïque de 25 pages avec Pierre Sidos, créateur de Jeune Nation puis d’Occident et enfin de l’Œuvre Française. Le vieil homme de 86 ans séduit en son temps des personnages aussi éloignés aujourd’hui qu’Alain Madelin ou Richard Bohringer. Ses positions n’ont pas bougé d’un iota depuis 60 ans, contrairement à ses anciens collaborateurs!

Le dossier central et centriste de ce n°5, c’est Sciences-Po. Son ex et mystérieux directeur Richie Descoings (dont le mystère n’est jamais révélé), ses anciennes et anciens élèves, ses élèves actuels, son nouveau directeur à la tête de démon. Excepté le coup de gueule de Thomas Payet (on peut se procurer un numéro de Sciences Politan quelque part ?) et le témoignage de Cécile Guilbert, nous n’apprenons pas grand chose de profond sur l’établissement au milieu des name-dropping de lieux et de personnalités rattachés à la rue Saint-Guillaume, la palme du vide revenant une fois de plus à Colombe Schneck ! Tout ça finit sur une note plus contestataire, oui, Guy Debord encore. Un texte de l’excellent Zvonimir Novak analyse comment le plus irrécupérable des activistes d’avant mai-68 a fait de sa vie un spectacle et s’est logiquement fait récupérer par la culture institutionnelle: une exposition totale de son œuvre à la Bibliothèque Nationale de France. Du situationnisme à Yves Pagès il n’y a qu’un pas, et 10 tracts cultes collectés par le sus-nommé. Rigolo en 2013. Ah oui, la couverture engagée est de belle facture (c’est pas trop le cas des illustrations à l’intérieur), welcome to the Westworld.

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