KICKBACK: En noir et contre tout

Dans l’attente du bréviaire «Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Kickback», voici un bilan d’anti-carrière du groupe le plus « insérez-un-adjectif-sulfureux » de France, réduit à un trident bien aiguisé composé de Stephen, Pascal et Damien. L’entretien s’est déroulé dans une cave du 18ème arrondissement, véritable paradis ou purgatoire pour rats de bibliothèque. Le groupe était réuni géographiquement pour une tournée européenne fin 2012, qui n’était finalement pas la dernière puisqu’ils seront bientôt de retour. Une conversation en 55 000 mots qui se révèle aussi longue et disparate que leur parcours.

La version allégée est consultable dans le n° V7N2 de VICE Magazine.
Les photos inédites proviennent des archives de Kickback et de l’appareil de Melchior Tersen.

Vous vivez en Thaïlande maintenant c’est ça ?
Pascal: Pas du tout.
Stephen: Non non, y’a que moi qui vis là-bas mais personne ne le sait. Je l’ai annoncé nulle part.
P: Moi je suis parisien à vie, j’ai mon abonnement à Paris – mais pas au PSG.

Pourquoi t’es parti là-bas Stephen ?
S: Oh c’est plus pour des raisons persos, ça rentre pas dans Kickback. Pour le dernier album, j’ai fait les voix là-bas.. Ca n’a rien à voir avec le groupe, ça fait longtemps que j’avais envie de me barrer. Le groupe existait depuis 91, 20 ans, voilà quoi. J’ai toujours envie de faire des albums hein, c’est toujours un plaisir de bosser avec Pascal, Damien, de faire de la musique, des tournées, faire un groupe qui existe…
P: C’est vrai aussi que Damien, qui fait partie de Kickback, a pas mal bougé, en Thaïlande et ailleurs. Peut-être que c’est ça qui fait que les bruits courent.
Damien: Ouais, un moment on était tous là-bas, mais il y vit seul.
P: Voilà, c’est son petit jardin secret…

C’était quand la première fois ?
S:
J’y vais depuis 98. J’ai pris une claque dès la première fois que j’y suis allé. J’ai toujours voulu y retourner. La première fois, t’y vas en vacances donc c’est pas du tout la même démarche. J’avais envie de voir un peu ce qui s’y passait, rester plus longtemps, m’immiscer dans le truc, et donc voilà, ça fait deux ans que j’y suis, ça passe super vite. Je suis allé partout en Thaïlande mais surtout à Bangkok. Je reste quand même un rat des villes, et c’est une métropole assez hallucinante. J’y ai trouvé… l’envie d’y rester.

Vous n’avez jamais joué là-bas avec le groupe ?
S:
Ah non. Ca fait super longtemps qu’on devrait le faire mais Kickback, au niveau de l’organisation…
D: On va le faire, on va le faire de toute façon.
P: Un peu plus de mécénat et on joue où vous voulez !
S: C’est prévu depuis super longtemps, on a des connexions, mais après, c’est pas qu’on est handicapé mais bon, on n’a personne derrière nous, c’est galère.
P: On n’a pas tout le temps envie de se casser le cul non plus, on n’est pas allé jusqu’au Kibboutz encore, à faire des projets, des associations… Vu qu’on est un peu prétentieux aussi, si on pouvait nous inviter là-bas, ou nous désirer un peu plus, on aurait foncé depuis longtemps. Ce n’est pas le cas non plus, mais ça se fera.
S: Oui, on n’a pas d’agenda, on n’est pas pressé. On a des envies, après, l’occasion fera le larron. Je vois tous ces groupes qui existent depuis un ou deux ans, qui ont déjà fait des tournées au Japon, des trucs comme ça, nous ça fait 20 ans qu’on existe et bon…
P: On n’a pas de plan de carrière, on l’a pas encore ouvert en fait !
S: Puis c’est des structures, des machins. Rien n’est compliqué remarque, tu prends le billet, les guitares, on y va. On le fera pour nous. Ca a toujours été comme ça et ça le sera de plus en plus aujourd’hui.

Ça te manque pas les concerts depuis que t’es parti ?
S:
Pas du tout ! Les concerts ça fait super longtemps que j’en ai fait le tour, ça me fatigue le cerveau à un point.
D: Les concerts faut arrêter quoi.
S: Et le live pareil. Ca n’a jamais été vraiment un besoin, c’était un plaisir. C’est important mais bon…
P: Surtout avec cette musique, c’est le paradoxe d’ailleurs.
S: Ca n’a jamais été un truc primordial, c’est d’ailleurs pour ça que plein de fois c’est super parti en couilles, fallait bien qu’il se passe quelque chose. Parce que le live pour faire du live… Après c’est vrai que je suis content, mais au départ, j’y vais toujours à reculons. C’est pas un truc qui me motive plus que ça. Et de plus en plus en vieillissant.

D’où les rumeurs du « groupe qui annule tout le temps »…
S:
Alors ça c’est n’importe quoi. Si tu veux on va parler de ça, les rumeurs et tout. Mais 99% des rumeurs ou des réputations sont fausses. On en a fait des conneries, je peux t’en sortir, mais à chaque fois c’est à côté de la plaque. On existe depuis 20 ans, les concerts qu’on a annulé c’était peut-être les dernières années où justement…
D: On se faisait chier.
S: Y’avait plus vraiment d’actualité, les annulations ça a été avant « No surrender » mais c’est rien quoi.
P: On n’en a pas fait une dernièrement ?
D: On l’a fait par ennui, parce que c’est toujours les mêmes salles, toujours les mêmes gueules…
P: Les mêmes looks, le même fonctionnement… Je suis bien mieux devant un jeu vidéo ou un livre.
S: Bon moi j’ai mon cerveau qui ne fonctionne pas toujours forcément, mais j’ai l’impression qu’on a dû annuler 5 à 10 dates maximum. C’est n’importe quoi.
D: C’est les gens frustrés, mal à l’aise, ils ont payé leurs 10 euros pour leur petite place, ils viennent de province…
P: C’est même triste à dire, c’est tellement surfait, tout est surfait de toute façon, annulations et rumeurs. Tous les groupes se farcissent ça, c’est presque inhérent au truc.
D: Et ça chiale, et ça chiale.
P: Comme si, dans cette musique, il fallait avoir un bon comportement, et y’a plein de choses, pas que ça, on y viendra sur d’autre sujets. A chaque fois, mais je pense que c’est dans la société entière, il faudrait avoir un comportement parfait alors que déjà et d’une, on ne l’a jamais prôné, encore pire on prône l’inverse, et puis, qui donne l’exemple ? Que la masse de merde, que sont les gens, nous donne des leçons de morale, on rigole.
S: Il y a ma vie perso et après je fais de la musique à côté, donc il peut y avoir des évnènements dans ma vie que je considère plus importants, ou plus excitants, qu’aller faire un concert… Je sais que je les ai déjà envoyé chier parce que je suis parti dans des trucs, et on n’a pas fait le concert…
P: C’est plus chiant par rapport au groupe que par rapport aux autres en fait. Mais l’intérêt dans tout ça c’est de dire: est-ce qu’ils ont fait des bons disques ? Est-ce que la musique est potable ? Ou ont-ils fait comme tous les autres: être à l’heure, faire des sourires, indiquer la direction du stand de t-shirts et foutre des albums en 5 minutes qui collent à la mode du moment.
S: C’est pas pour ça qu’on a un mépris total hein, mais on a nos priorités.
P: On ne jouerait pas, si vraiment on n’avait du mépris, on ne serait pas devant des gens. On en a un petit peu quand même.

Pourquoi une tournée en Europe alors ?
S:
On peut le dire ?
P&D: Pour le fric !
P: Et aussi pour bander, faire une belle tournée.
D: Pour nous, pour jouer aussi.
P: Est-ce une si belle tournée que ça ?
D: Elle est nulle à chier !
P: Voilà, il s’est passé un truc, on avait envie de jouer.
D: Une énergie !
S: Ça fait deux ans que je suis plus en France, on a fait un album il y a un an et demi, ça faisait 3 ans qu’on n’avait pas joué, le label nous a demandé si ça nous chauffait, et on a dit oui.
P: En plus, quand on dit pour le fric… Je suis allé au cinéma, j’ai vu une pub d’Orelsan pour Reebok. J’imagine que lui en faisant sa petite pub de 5 minutes en marchant dans une rue, il va se faire plus de fric que nous en faisant… 10 dates.
S: Puis moi, c’est aussi un plaisir de me retrouver avec Damien et Pascal.
P: On va faire de la bonne musique avec le nouveau batteur en plus.
S: Et c’est agréable de jouer des nouveaux morceaux surtout.
P: Plus on nous forcera, moins on le fera, toute personne honnête est comme ça. Ce sera peut être la tournée où il faudra être justement.

Le fait que c’est toi Stephen qui aies choisi l’affiche de Paris en plus.
S:
Quand on m’a parlé de la date à Paris, je leur ai dit: on fait quelque chose ou pas ? Parce que si on fait rien, on va se taper les daubes habituelles, comme on va se les taper dans toutes les autres villes. Les daubes par rapport à ce que moi j’aime, ce que j’ai envie d’écouter. La plupart du temps je m’en fous mais là, on s’est dit: pourquoi pas ?
P: Vu qu’on joue jamais à Paris en plus.
S: En général quand on faisait des dates à Paris, j’essayais de mettre des groupes que j’aimais bien, je faisais venir des groupes de Belgique… Là j’ai essayé de réfléchir un peu, de voir ce qui me plaisait dans le paysage français. Cobra m’intriguait, j’avais envie d’en savoir un peu plus. C’est aussi une expérience, parce que Cobra ça me plaît, mais sous un certain angle, j’ai envie de voir ce qui se passe derrière donc c’est aussi une occasion de rencontrer les gens. Et la même chose pour Yussuf Jerusalem, au-delà du fait qu’il fasse du garage comme 20 000 groupes qui font du garage, y’a une imagerie et un personnage qui m’ont l’air assez intéressant. Je me suis fait plaisir. Après, ce que va en penser le public, je m’en bats carrément. Comme d’habitude avec Kickback les gens sont complètement à côté de la plaque. Même les mecs qui soi-disant comprennent le groupe vont nous coller un sous-Eye Hate God ou un sous-machin, en pensant nous faire plaisir, ce qui est rarement le cas. Et puis j’aime bien, c’est français, ça donne un côté assez différent. Y’a quand même une certaine ligne directrice j’ai l’impression, enfin on verra. C’est aussi un point d’interrogation. Plus ce sera décalé, plus ce sera drôle.

C’est quoi votre line-up fixe ?
S:
Nous 3. Voilà, Kickback c’est ça, tout est fait ici de A à Z. Après y’a un line-up live, Waner, et là on a un nouveau batteur. De toute façon, t’as bien vu, on n’a pas une actualité qui fait qu’on est des mercenaires.

Vous prévoyez un nouveau disque d’ailleurs ?
S:
Moi j’aimerais bien… mais y’a plus de jus.
D: Mais si, mais si.
S: Damien ne vient pas du tout du hardcore. Moi ça faisait des années que je voulais sortir Kickback de ce carcan…
P: Musicaliser un peu plus.
S: J’ai toujours été un peu otage des mecs avec qui je jouais, comme je ne composais pas. En même temps ça me plaisait, puisqu’au départ on a fait un groupe de gens, mais j’ai vite voulu évoluer. Quand Damien est arrivé, c’était parfait. Après on a continué à faire Kickback, même avec un minimum de règles…
P: Oui, il y a le dogme, le cahier des charges.
S: Que Damien a respecté. On n’a pas vraiment de règles mais si on s’écarte trop, c’est plus Kickback.
D: On va le faire avec la tournée, on va recréer une énergie à trois. On va jouer, et peut-être qu’on ira voir ailleurs, c’est sûr.
S: Je suis satisfait à 100% de l’évolution du groupe. Ils m’ont fait venir pour la tournée, et ça m’excite pas plus que ça. Mais quand on me dit « viens on a des nouveaux morceaux, on rentre en studio pour faire un album », moi j’adore ça. Alors que le live…
P: Et pourtant c’est une musique de live.
D: Bah oui ! Le hardcore, c’est live.
P: Cette énergie il faut qu’elle s’expulse en live, plus que sur une chaîne hi-fi. Sinon on ferait des trucs bien plus mélodiques, comme on fait pour Diapsiquir. Ce qui marche dans ce style c’est aussi des trucs très simplistes, comme la techno quoi. Si tu veux faire de la bonne techno faut que ça fasse danser les gens.
S: Quoiqu’en même temps sur le dernier album, y’a des plans…
D: Oui, y’a des parties très dures mais les codes sont là.
S: Moi j’en ai rien à foutre, la musique violente si c’est violent, y’a rien besoin d’autre.
P: On pourrait foutre tout en boîte à rythme, on pourrait faire du noise, plein de trucs, mais ça ne serait plus vraiment Kickback.

Et Diapsiquir alors c’est qui ?
S:
Alors c’est le bébé de Damien, et Pascal est venu s’y greffer.
D: Ça existe depuis 1996, ça n’a rien à voir avec Kickback. C’est mon groupe depuis très longtemps. On fait des trucs ensemble avec Stephen depuis environ 10 ans, y’avait lui d’un côté avec Kickback et moi qui détestais carrément le hardcore.
S: Ah t’aimais bien Kickback la première fois que je t’ai rencontré.
D: J’aimais pas la voix. Maintenant je le fais chanter donc c’est mieux.
P: Y’a eu un concert à l’époque aussi.
D: Oui c’est ça, on a joué au Pulp ensemble.
S: On en avait marre d’essayer des nases, et Damien correspondait complètement humainement, à nos vies, à nos goûts… On cherchait un guitariste et ça s’est fait naturellement, au-delà de nos espérances. Ça a amené le groupe à un autre niveau.

S: La plupart des groupes vont faire une démo super extrême puis vont être signés sur une major, et après ça devient de plus en plus commercial. Kickback, si t’écoutes les premières démos c’est l’inverse…
D: Oui et non, le dernier y’a un côté plus punk, mélodico-hype, Mars Volta, tu vois le truc, des influences modernes quoi. Donc, oui et non.
S: Pascal et Damien ont des influences beaucoup plus larges que moi.

Kickback touche un public plus large maintenant donc ?
D:
Ouais je pense.
S: Ah ouais ?
D: Bah évidemment. On a déjà ramené les mecs de mon ancien groupe, plus death metal, black metal, c’est même un peu drôle. Aujourd’hui je vois des groupes de black qui mettent des éléments hardcore, on a fait ça bien avant eux. Et on se disait, est-ce que ce n’est pas un blasphème ? Et maintenant, ils le font tous. Ce mélange vient plus facilement.

Ça fait quand même 10 ans que vous drainez les mêmes ‘fans’, non ?
S:
Ah bon ? Moi je trouve qu’ils changent. Je reconnais pas les mêmes têtes.
P: Nan je pense qu’il a peut-être raison, en France.
D: Ah non non, non non.
S: Déjà t’avais le public ‘Cornered’, un peu old school machin. En plus on avait des figures dans le groupe, comme Jean-Marc de London Styl. Quand on a fait ‘Forever war’, moi j’écoutais du Catharsis, du Gehenna, du Bloodlet… Pour plein de mecs, c’était trop metal. Ca a giclé une partie du public. Ca a amené un côté peut-être plus H-8000, tous ces trucs là. Après on a fait les ‘150 passions meurtrières‘ où là je me suis plus lâché au niveau des lyrics, du concept. Et là, tous les bien-pensants du metal ont dit: « oh non, mysogine ». Tu sais qu’on l’avait envoyé à Victory Records ? La meuf de Victory nous a dit « ouais la musique c’est bien mais on en veut pas »… On n’a même pas pu être distribués par Victory parce que les paroles étaient trop misogynes, trop machin… Donc ça a encore fait le tri dans le public. Je te parle pas en plus de l’attitude sur scène, les conflits avec le public qui sont arrivés dans plein de concerts. Ils se prenaient 45 minutes d’insultes, de crachats, de « rentrez chez vous ». « Ah mais c’est ça Kickback? » Après certains concerts en Belgique, les mecs revendaient leurs disques.

D’un autre côté les gens vont vous voir pour ça, ils aiment ça.
S:
Moi si demain je vais voir Gehenna ou un autre groupe un peu conflictuel, je vais éviter de me prendre un coup, mais si le chanteur vient, soit je lui en remets un, mais je viendrai pas pleurer en disant « qu’est ce qui se passe? ».
P: Dans le pit, c’est bien plus violent que ce qu’il y a dans les mots. Si tu réfléchis bien. C’est toujours la même chose. On fait rien, on a une guitare et on a un micro.
S: J’ai l’impression que c’était bien plus violent à l’époque du hardcore californien, les concerts de Germs, y’a ce côté…
D: Dangereux.
S: A part GG Allin qui a mis la barre super haute. J’ai pas l’impression que ce soit pire…
P: Non mais quand tu lis le livre de la tournée de Black Flag, « Get in the van« , tu te dis ok, on n’est rien quoi. Les mecs te crachent dessus, te tabassent, mettent des coups aux mecs qui jouent, on est loin de ça.
S: C’est tellement mou, c’est mou… Tu vas faire le moindre truc ça va prendre des proportions énormes.
P: Les concerts maintenant c’est 300 mecs, face à 5 baltringues avec des guitares, comment on pourrait être une menace ? Ça ridiculise tout. Moi de toute façon je vais plus aux concerts, on peut même pas fumer de clopes, donc encore moins de oinjs… C’est tellement bizarre l’ambiance dans les concerts maintenant. Et pas uniquement parce que j’ai vieilli… Quand t’as dit oui à ça, t’as dit oui à tout. Imagine, le truc le plus nase: fumer des clopes. Non ? Ok, on arrête alors. Je fume pas de clopes hein… Mais ça me rend ouf, tous les fumeurs arrêtent de fumer comme ça.
S: La soumission.

Rien à voir, Stephen, ça t’a déjà effleuré l’esprit d’écrire autre chose que des lyrics ?
S:
Euh oui.
D: Ah ah ah, niqué là.
S: Oui et non. Enfin il y a plusieurs choses. Déjà, un niveau a été atteint, rien que quand tu lis Sade… En littérature, comme en cinéma d’ailleurs. Et je me trompe hein, mais je me dis que la barre a été mise tellement haute que bon. Quand tu regardes des Genet, des Drieu, tu lis ça et tu te dis, stop quoi. Mais après, je lis aussi beaucoup de contemporains et ils ont une approche différente, qui n’est pas forcément dans le style, le style est très important, mais il y a des expériences de vie… Ce qui m’intéresse d’abord c’est la personne derrière, autant dans la musique que dans la littérature, pour moi c’est très important de connaitre le personnage. Mais il y a surtout le style, et je pense que je ne suis largement pas au niveau. J’ai mon petit style pour faire les lyrics, et j’en chie d’ailleurs, c’est super tanné d’écrire des lyrics pour moi. J’ai grandi en écoutant des trucs comme Sheer Terror, là t’as un vrai talent d’écriture que je n’ai pas. Je me satisfais de mon style, j’écris pour moi, des conneries. Peut être que j’écrirai une sorte de journal, j’y ai pensé. Surtout par rapport à Kickback. J’ai la mémoire qui flanche un peu mais Pascal lui, a une mémoire d’éléphant. Il me rapporte en permanence des anecdotes qu’on a vécu pendant les 20 ans, que j’ai complètement oublié. Faire le « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Kickback », on en entend tellement de conneries. On va peut être l’écrire. Quand on a commencé Kickback, on a toujours mis la barre super haute. Quand j’ai voulu faire un groupe de hardcore c’était « on va faire comme les New-Yorkais » tu vois. Là je suis en train de lire du Millet, des mecs comme ça, et voilà. Je me contente de mes petits lyrics…

C’est quoi ton dernier choc textuel ? Peter Sotos ?
S:
Ah Sotos toujours. Je l’ai découvert à l’époque de « Pure », ça va faire plus de 20 ans, sans problème. En plus je le connais maintenant, je l’ai rencontré. On a sympathisé. C’est très important pour moi de rencontrer les gens, comme je le disais. Que ça soit un projet musical, ou autre, j’ai besoin de rencontrer la personne. Et ça peut complètement me casser le truc. Et Sotos j’ai pas été déçu. Même si dans la vie t’as des périodes, j’ai jamais lâché. En plus, y’a une vraie évolution dans son écriture, qui ne me déçoit pas.
D: Tout.
S: Ouais. Même les classiques, j’ai pas encore tout lu…
D: On va de Urkas à Bloy, voilà c’est tout. Urkas à Bloy.
S: Voilà, sans faire une liste attendue, du namedropping.
D: Mishimaaaa, Caracoooo, non !
S: Si les gens s’intéressent à Kickback, il y a des signes un peu partout. Dans les citations mises dans le dernier album, il y a Klima, Caraco. Si on cite ça, c’est parce qu’il y a quelque chose derrière, rien n’est fait au hasard. On n’a pas besoin d’en dire plus.

Y’a une référence un peu moins attendue dans le dernier justement, « Cavalcare el tigre » de Julius Evola.
S:
Ah bon, tu trouves ? Si tu connais le parcours d’Evola, « Chevaucher le tigre » c’est sur la fin, quand il a fait le tour de la politique. Comme Jünger à la fin.
D: Jünger à mort !
S: « Waldganger, le recours aux forêts », les mecs ont fait des recherches sur plein de choses, mais à la fin, ils se replient sur eux-mêmes, une sorte de retraite, même si Evola et Jünger c’est pas tout à fait pareil. Le recours aux forêt pour l’un, et pour l’autre, c’est rester et chevaucher, une sorte de surf dans le chaos. A partir du moment où t’es dans une introspection, une recherche personnelle, c’est des gens que tu vas forcément rencontrer dans tes lectures, pour moi ça reste complètement logique. Ce sont des références littéraires, au-delà de la politique. Nous on a jamais fait de politique, tu t’en doutes. « Chevaucher le tigre » c’est un choc littéraire, une façon de voir la vie… Y’a des gens, tu les lis, et tu retrouves ta façon de voir les choses, ta vision du monde. Le problème de beaucoup de gens c’est qu’ils lisent et qu’ils essaient d’adapter comme si c’était un guide, un mode d’emploi, alors que loin de là. C’est des choses que tu prends, ça et là.
P: Ouais, ou alors ça te chamboule tout. Ça perturbe tous tes acquis.

Ouais.
S:
Ça revient à ce que je disais tout à l’heure, je n’ai jamais trouvé un truc auquel je pouvais adhérer à 100%. Peut être le hardcore quand j’étais jeune. C’est pour ça que j’ai mis une étiquette Kickback – Hardcore quand on a commencé. « Ouais on fait du hardcore », j’étais fier. C’est un des seuls trucs dans ma vie auquel j’ai vraiment adhérer et dont j’ai accepté d’endorser l’étiquette. A l’époque, il y avait une telle liberté, le hardcore c’était tellement…
P: Rien !
S: Varié. Tu pouvais être Crown of Thornz ou Darkside NYC, rien à voir.
P: Et puis frais. Ce que nous on aimait, c’était pas le vieux hardcore, les punks. Ca existait déjà bien avant, mais nous ce qu’on aimait, c’est que ça correspondait à ce qu’on vivait. Y’avait du rap, y’avait l’attitude, y’avait un délire de bandes, un peu de metal… C’est ça qui a férédé ce qu’on s’est mis à faire avec Kickback. Plutôt que le punk, l’engagement politique, façon Dead Kennedys. Les années 90 étaient spéciales.
S: Il y avait aussi ce truc individualiste. C’est pour ça que ça ne m’a pas gêné de dire qu’on était un groupe de hardcore, ça laissait une porte ouverte à une vraie liberté. Le hardcore ça pouvait être autant Youth Defense League qu’un groupe qui allait faire 50 chansons d’amour à la Sheer Terror, y’avait pas vraiment de carcan. Mais je me suis un peu trompé, la liberté n’était peut être pas assez grande pour nous, c’est pour ça qu’après je n’ai plus voulu du tout d’étiquette.

On vous a déjà reproché de jouer les « érudits du hardcore » ?
S:
On passe plutôt pour de gros abrutis en général non ? Disons qu’entre les interviews orales faites dans des états éthyliques proche de la débilité, les interviews écrites plus posées, l’irrévérence chaotique et l’anarchie de certains concerts, la violence maîtrisée et travaillée des albums, nos influences extra-musicales, etc, les gens ne savent pas trop sur quel pied danser. Peu importe, on avance masqué en plein jour et, malgré le fait que les pièces du puzzle soient toutes présentes, et que pour quelqu’un d’intelligent et un tant soit peu curieux toutes les réponses sont là, nous restons incompris. Je ne m’en plains pas une seconde, car notre démarche est avant tout intime et personnelle. Seuls les vrais savent comme dirait l’autre.
P: Au royaume des aveugles les borgnes sont rois, non ? Allez sans rire, nous avons 40 ans pour les plus vieux, on ne va pas illustrer nos albums avec des poings américains ou des tatoos tribaux… Il en va de même pour les paroles ou la musique. Nous essayons de faire pour chaque disque une œuvre cohérente. Mais c’est surtout Stephen qui élabore les concepts en premier lieu. Si personne ne fait l’effort de se pencher sur nos œuvres, tant pis. La Mort est universelle. ELLE est notre seul guide. Son énergie marche avec nous, chaque jour.

Dans les années 90, vous cotoyiez des graffeurs, rappeurs. Vous êtes restés en contact depuis ?
P:
Très peu, moi je sors pas et lui habite en Thaïlande, donc bon ! Mais il y en a.
D: Non, mais il veut savoir si à l’époque il y avait du sulfureux avec des arabes et des noirs. Donc oui !
S: Mais non, en plus c’était que des petits blancs ! Je vais t’expliquer, c’est d’une simplicité… Mais les gens deviennent fous avec ça. En fait, je me suis retrouvé dans une école privée, après m’être fait tej de plein d’écoles, et il y avait que des gars coincés. Et donc moi, je commençais à écouter du hardcore, c’était le début, j’écoutais de la oi!, j’étais habillé en Fred Perry, etc. J’étais un peu le freak de l’école, et les seuls mecs avec qui j’ai réussi à sympathiser, qui étaient des freaks aussi, c’était des taggeurs. L’époque de Krs-1, les débuts du hip hop, moi je connaissais un peu, j’écoutais vite fait. C’était l’époque où il y avait les concerts Public Enemy/Beastie Boys. Donc voilà, c’était les seuls mecs un peu oufs et ils m’emmenaient taguer avec eux. C’est tout simple. Le mec qui a fait le logo (Aurel aka Marc-Aurèle Vecchione), ceux qui ont fait le mur (sur la back cover de Cornered), c’est des mecs avec qui j’étais à l’école. On n’est pas allé les chercher du tout.
P: Même moi à Nanterre, je trainais avec des gueurta. J’étais même ennemi avec ses potes !
S: Pascal vient d’une cité de Nanterre, et quand il était jeune, il traînait avec des cailleras, des mecs qui taguaient, lui aussi taguait à l’époque. Bref, ça faisait partie intégrante de notre environnement.
P: Et quand on a aimé NY c’était la même chose. C’était une bande de tagueurs, ils écoutaient soit du metal, soit du rap, et ils venaient du hardcore.
S: Quand je trainais dans le tag, je leurs disais DMS et ils connaissaient parce que il y avait un tagueur du DMS qui s’appelait MQ. Un des meilleurs potes de Ezec, un mec que j’ai rencontré à NY et qui n’a rien à voir avec le hardcore, mais il a défoncé la ville et il est sur-connu. Et donc mes potes étaient là « ah ouais ». C’était à l’époque de la première compile NYHC (The Way It Is), t’avais des graffitis, des logos Warzone, des t-shirts Public Enemy…
P: T’avais des skins en casquette ! C’était incompréhensible. Les skins ici c’était l’inverse, c’était les carcans à fond.
S: Nous on s’est pris ça en pleine gueule et on s’est dit: putain, ils sont comme nous. Je montrais ça à mes potes, bon la musique ça passait pas hein, ça n’est jamais passé, mais bon voilà. « Fais moi un truc pour mon groupe Kickback » et ça s’est fait comme ça. Profecy qui a rappé sur notre maxi de 2000 c’était la même bande. On avait découvert Necro avec son clip « I need drugs« , et son oncle qui fume du crack…
P: Il reprend le morceau de LL Cool J « I need love » et il en fait « I need drugs ».
S: Y’avait aussi R.A. The Rugged Man, un rappeur blanc qui rappait pieds nus, une sorte de GG Allin du hip hop, super crade. Avec Pro on faisait des soirées, on se bourrait la gueule et on parlait de ça, je lui disais: tu me fais un texte dans l’esprit, il adorait. Et voilà. Mais c’est vrai qu’on a été associé à ce côté hip hop…
P: Oui, à un moment on a été quelque peu zoulouifiés.

Ahah.
S:
Mais moi j’écoute plus de rap depuis 15 ans…
P: C’est normal, on écoutait Mobb Deep, Damien t’écoutais du peura aussi. Les gens intelligents vont pas faire l’impasse sur une musique, le rap c’était majeur à l’époque.
S: Sauf que moi je te dis, j’écoute plus de rap depuis peut-être, Tragedy Khadafi
P: Attends, t’écoutais Rick Ross y’a deux jours !
S: T’es malade ou quoi !
P: T’écoutes Booba.
D: T’écoutes Boobaaaa !
S: Ouais, j’aime bien Booba, mais c’est le seul.
P: Et bah Booba c’est du rap.
D: Et Rohff avec « Zoulette » là, arrêêête !
S: Mais t’es fou à lier. Je peux écouter Mobb Deep ou Wu-Tang encore, mais je me suis arrêté.
P: Le rap c’est tombé un peu. Mais je peux écouter du reggae, ça me dérange pas moi !

Y’a plus rien qui vous branche là-dedans ?
D:
On s’ennuie !
S: A part Mobb Deep.
P: Mobb Deep c’est tombé, c’est mort depuis mille ans. Mais l’autre fois j’écoutais Rick Ross, bon, j’aimais pas trop Rick Ross. Rick Ross c’est toutes les semaines dans Vice Magazine, mais sa dernière musique, je kiffe.
D: « Nigeria » ?
P: Ouais. C’est moderne, ils font ça bien. Le clip est mortel, ça marche. Mais bon de toute façon j’écoute plus de hardcore, j’écoute plus de metal, tout est vendu, c’est le moment où t’achètes toute la collection maintenant. Je kiffais Vice avant quand je le voyais à NY, « oh un truc sur la drogue », mais maintenant c’est les apôtres du divertissement, ça démocratise tout quoi. C’est peut-être bien en fait, comme ça tout va exploser. A un moment, tout le monde aura tout et tout le monde partira. Et ceux qui sont vraiment passionnés resteront. En attendant, j’ai pas envie de critiquer non plus c’est trop facile. Moi c’est jazz, j’écoute que du jazz de toute façon.
S: C’est vrai que eux ce sont des musiciens, moi je le suis pas du tout, donc j’écoute des trucs lo-fi même si ça sait pas jouer. Damien il vient du black metal donc ça le dérange pas.
P: Damien, c’est black metal, mais plus pour la musicalité.
D: Attends, l’idéologie aussi.
S: Ouais, par contre Pascal il peut pas écouter un truc si les mecs jouent mal ou jouent faux.
P: Faut vraiment qu’il y ait une rage absolue, que ça vienne du coeur, si c’est juste du caca, non je peux pas. C’est comme pour les films.
S: Même les groupes de black metal, ça jouait pas dans les temps.
P: Par exemple, un truc mal joué comme un Burzum j’aime bien, parce qu’il y a tout.
D: Ca n’a rien à voir.
P: C’est pour ça qu’il est connu je pense parce qu’il y a tout. Les premiers Emperor j’aime bien. De toute façon le black metal c’est pas mal joué, arrêtez de rêver.
S: Alors dites-moi un groupe qui nous met tous d’accord.
P&D: Darkthrone.
S: Ouais, ok.
P: La Oi! non, là je peux pas. Cockney Rejects oui, mais c’est pas de la oi!, c’est du rock. On vous laisse jouer sur les mots pendant deux heures !

Je suis tombé sur une vidéo de Merauder de 1993 où l’on voit ta tronche Stephen.
D:
Ouaaaaiiis !
P: Ah c’est beau, c’était en plein rap ça.
S: Alors j’ai regardé le truc, j’ai fait: qui suis-je, où suis-je ? Je me suis carrément pas reconnu. Y’a une période où j’allais hyper souvent à New York. Tu peux voir Sob sur la vidéo, le guitariste de Merauder, c’était un de mes meilleurs potes, il est mort maintenant. Je logeais chez lui, il m’emmenait partout. Et donc là, c’est un backstage d’un concert de Merauder, je ne sais où, dans le New Jersey… Y’a des jeunes filles en train de prendre de la drogue, et voilà, le truc habituel quoi.
P: Jeune et drogué. C’est ça.

Vous avez déjà joué à NY ?
S:
Deux fois. J’avais un label qui s’appelait Hardway Records, j’ai sorti quelques trucs, dont un groupe qui s’appelait Confusion et un des mecs du groupe, le guitariste Frank Collins, est mort. Ils ont donc fait un benefit show au CBGB. Y’avait Darkside, All Out War, Subzero, Starkweather auraient dû jouer aussi, tout ce que j’aimais quoi. J’ai dit aux mecs du groupe: allez faut qu’on essaye d’y jouer, tout le monde était d’accord.
P: On est parti comme ça, sans rien. On n’avait pas d’instruments.
S: J’ai contacté les gars, je les connaissais. Je crois qu’ils nous avaient dit qu’on pourrait s’incruster sur le set d’un groupe… Je sais plus si All Out War nous avaient laissé joué.
P: Non c’est Confusion, qui s’était reformé ce soir là, avec l’handicapé, non ?

L’handicapé ?
S:
Ouais, le chanteur de Confusion était paraplégique. Bref, en plein CBGB pendant le show ils nous ont laissé les instruments. On a du faire « Will to power« , au CBGB, avant que ça ferme.
P: Ca devait être en 1999 ou 2000.
S: Et sinon après on a fait le Superbowl, ils nous avaient contacté.
P: Là c’était la fin de tout. C’est peut-être l’âge qui fait ça, mais je me suis rendu compte de ce que c’était…
S: On en a profité pour faire une mini-tournée là-bas, j’avais demandé à Rick Ta Life qu’il nous organise ça, c’était avant qu’il soit… fou.

Qu’est ce qu’il devient d’ailleurs ?
S:
Je sais pas, j’ai plus de nouvelles. Mais lui c’est un gars qui vient du New Jersey, d’un quartier bien cracké, d’une famille sur-white trash. Et ils nous avait organisé une petite tournée, 4-5 dates.
P: Ouais en fait il a pris le camion, et il a fait une tournée. Le mec il survivait comme ça, il appelait les locaux, est-ce qu’on peut jouer ? En cinq minutes il formait un groupe et voilà.
S: Il a fait des trucs oufs mais bon…
P: Oui mais lui il le fait, je préfère ce côté là que le côté organisé, festival metal, façon Superbowl.
S: Puis c’est un mec qui vient du NYHC, mais il capte les trucs extrêmes à côté… Ca il en a eu pour son argent sur cette tournée. On l’a fait chier. Je l’ai un peu rendu ouf le pauvre… Ce sera dans le bouquin !
D: C’était bien, c’était bien.
S: Y’a eu quelques anecdotes…
P: Oui oui, toujours.
S: Des handicapés étranglés… Des machines à café volées… Un mec m’a dit ça une fois, je sais plus où. « Ouais vous avez joué, et dans les backstages vous avez volé une machine à café ». C’est carrément une insulte ! A la limite il m’aurait dit « vous avez tout cassé », ok j’veux bien. Mais là, « c’est ça que tu me reproches ? Tu me prends pour un fonbou ? »
P: Je crois qu’il y a un mec qui a vraiment volé cette cafetière. Une cafetière électrique à deux balles, bidon. Je sais même pas qui a fait ça. Un mec a dû la prendre en profitant du bordel dans la MJC…
S: Nan mais pour te dire. Donc bref, on a fait les Etats-Unis, ah!

Mais t’avais quel age Stephen pour bouger là-bas aussi tôt et aussi souvent ?
S:
Dès que j’ai commencé à découvrir le hardcore, comme je disais tout à l’heure, j’ai eu besoin de savoir qui était derrière, il fallait que je rencontre les gens. En fait j’ai monté mon label comme ça. Le premier groupe que j’ai sorti c’est Disciplinary Action. C’était un groupe de skins de Long Island, complètement dingue, un truc old school mélangé à du Celtic Frost. On était comme des oufs, on se passait la démo en boucle. Je voulais entendre d’autres morceaux d’eux. C’était l’époque des démos, tu recevais des K7, y’avait pas d’email, rien, juste un n° de téléphone. Moi j’habitais dans le 18ème, je me dis allez je les appelle et je vais sortir leur disque. Si jamais ils acceptent, je créérai mon label. Donc j’appelle le gars, « oui j’appelle de France », « hey fuck you », il me raccroche au nez. Bon. J’ai rappelé, « Non mais je suis vraiment français », « ah what what what? », et après ça s’est fait. J’ai monté le label et j’ai sorti le EP. On s’est dit, il faut qu’on aille les voir. On est parti avec Pascal, et ça a été carrément au-delà de nos espérances. On est arrivé à l’aéroport, et c’était pas le p’tit gars en sweat shirt, c’était un ancien Marines de je sais pas quel âge, tout tatoué, en pick-up: « hey what’s up! »…
P: Voilà, on était à la fois dans le hardcore et le cinéma bis américain, donc là t’avais directement une plongée dans tout l’univers qu’on aimait !
S: C’était un bon ouf, un bon freak. Ses meilleurs potes c’étaient les mecs de Neglect, dont le chanteur qui était complètement dingue à l’époque. Il racontait qu’il y avait une maison, habitée par des skinhead girls, et qu’il allait là-bas, bouffer la chatte des meufs qui avaient leurs règles… Puis il prenait des trucs, dans le camion…
P: Il était un peu handicapé.

Ahah.
S:
En fait, tous ces mecs travaillaient dans le bâtiment. Neglect avait un morceau qui s’appelait « Manual labor », un hommage au travail manuel. Dans Disciplinary Action, t’avais un plombier, le chanteur était serrurier, ils avaient des tshirts « Locksmih », « Plumber »…
P: Un charpentier aussi. C’était la working class. En fait, c’est tout ce qu’ont repris Biohazard ensuite. C’est marrant.
S: Ouais, ils se connaissaient, les mecs de Biohazard étaient super fans de Disciplinary Action, d’où « Urban discipline« . Ils leur ont pompé plein de trucs.
P: Ils ont repris le concept.
S: Donc il y a eu ce concert pour Hardway Records à Long Island, avec Neglect, Disciplinary Action.
P: Life Of Agony aussi.
S: Et après, j’ai signé Confusion qui étaient de Brooklyn. Je suis allé chez le chanteur, un enfant adopté, dans une famille juive de Brooklyn, super white trash. Ils avaient une dizaine d’enfants adoptés, tous ayant subi des abus sexuels ou des trucs du genre.
P: Ca et aussi 200 colonies de cafards, au secours !
S: Le chanteur de Confusion était un mec en fauteuil roulant, qui prenait des trips, etc. Il était pote avec tous les gars de Brooklyn et ils déboulaient souvent dans sa baraque. Moi j’étais le petit français qui avait sorti le skeud, puis j’étais pas le mec à rester dans mon coin ni le dernier à faire des conneries. Les mecs m’ont tout de suite adopté et je traçais avec eux. C’était une époque où tout était différent. Les premières fois où j’allais aux Etats-Unis, les mecs m’appelaient « Frenchie », j’étais LE français. Y’avait peut-être un ou deux français qui allaient là-bas.
P: On a même logé dans New-York, parce qu’avant il y avait encore des gens qui habitaient dans NY. Le NYHC était dans NY. Maintenant avec la gentrification, comme elle existe ici aussi, ça n’est plus possible. Même les groupes indés de NY maintenant ils sont de Brooklyn, tout devient Brooklynois. Avant, on squattait dans des taudis, en plein NY, chez Subzero, y’avait encore des plans. On est revenu plusieurs fois ensuite et les types nous disaient: « non non, plus personne n’habite là ». Y’avait carrément même plus de clubs. C’est comme partout hein.

Quand vous revenez en France et que vous montez votre groupe vers 91, c’est le désert non ?
P:
Des groupes essaient de faire ça mais…
S: Il y avait un groupe avant nous, on n’est pas les premiers à avoir fait ça.

Hate Force ?
S:
Exactement, y’avait Hate Force. Le mec je l’avais rencontré une fois, ils avaient joué à Paris. On avait le disque. Mais le problème qui s’est posé tout de suite: c’était un chanteur-batteur.
D: Ah ça va pas du tout ça.
S: Il traînait à NY, plutôt avec des skins, et les skins de là-bas me demandaient si je le connaissais. C’était un mec du sud, qui avait l’air d’être un vrai gars.
P: Batteur-chanteur ça marche pas ça.
D: Non ça va pas.
P: Non et puis en plus le hardcore, enfin le « NYHC » qu’on plagiait, ça marchait avec une ville, avec un métro, avec des graffitis. Lui il habitait à Carcassonne… Nous de fait, quand plusieurs potes viennent te voir, ça forme un crew, ça correspond plus. C’est pour ça aussi qu’on avait l’image qui allait avec.
S: C’est marrant, aujourd’hui plus rien n’a d’importance. Comme dirait Dieudonné, tu peux être coiffeur-astronaute… Les mecs se posent plus de questions. « Tiens j’vais me faire un tatouage dans le cou, sur le front ». Oui mais ça c’est rue, c’est gangster, « ah mais c’est pas grave, c’est joli ».
D: Ils ont tout, ils ont tout ! Ils ont accès à tout !
S: Il n’y a plus aucune signification. A l’époque, tu réfléchissais avant de faire quoique ce soit. Ca, ça appartient à tel truc, etc. Même le DMS quand ils commençaient à se faire tatouer les gothiques, les mecs savaient que c’était un truc de gang de L.A., ils avaient des notions.

Vous êtes passés d’un côté très américanisé au début, à un côté très français maintenant. C’est dû à quoi cette évolution à votre avis ?
S:
C’est vrai, nos influences musicales étaient plus Anglo-saxonnes que Françaises, nos goûts personnels eux (lecture, cinéma, etc), étaient depuis longtemps très Européens. Et notre attitude a toujours été elle aussi très « Parisienne ». Au fur et à mesure que Kickback devenait ce qu’il aurait toujours dû être, et que nous nous débarrassions du superflu pour s’affiner et aller puiser encore plus dans nos obsessions et nos vérités, le côté Français s’est fait de plus en plus présent. C’était inévitable. L’arrivée de Damien a été l’étincelle qu’il fallait pour embraser le tout et accélérer le processus. Le goût pour la littérature inhérent à nous trois y est bien entendu aussi pour beaucoup.
P: Nous étions impressionnés et naïfs, surtout moi… Je ne rejette pas tout en bloc dans la culture US mais en France, artistiquement, et surtout littérairement, il y a de quoi être fier.

Vers 1998, t’arrêtes ton label. Ca te saoulait déjà ?
S:
Ouais, après j’ai eu envie de le relancer, mais y’avait tellement de labels, tellement de trucs.
P: Je pense que la musique il s’en foutait. Et le hardcore c’était fini.
S: Je faisais ça vraiment en dilettante.
P: C’est le cas de le dire ! Avec un grand D !
S: Ahah. J’ai pas dû envoyer tous les paquets à tout le monde.
P: Aucune promo, rien.
S: C’était plus pour se faire plaisir. Pour avoir des nouveaux morceaux. J’étais réglo avec les groupes hein, je leur envoyais tout.
P: Une sorte de mécène, c’était du mécénat hein. C’est beau.
D: C’est très beau.

De toute façon avec Kickback, vous n’aviez jamais vraiment voulu faire partie de « la scène hardcore ».
D:
A une époque si, non ?
P: Si, mais quand on l’a rencontré, on a tellement vu la blague que c’était, qu’on lui a pissé dessus tout de suite !
S: Ouais.
D: C’est comme le black.
P: Y’a plein de gens que je respecterai et qui ont fait des trucs mortels. Mais tu finis par aimer que Mayhem, être plus radical, comme moi, je vais dire Dead Kennedys, Black Flag, Dead Kennedys, Black Flag, Bad Brains… je m’en fous du reste. Souvent c’est les originaux qui ont le plus de trucs à dire. C’est horrible à dire mais c’est comme ça. J’ai du respect pour ce genre de groupes, mais le cirque hardcore actuel j’en ai rien à foutre.

S: Comme je t’ai dit on avait mis la barre haute. Moi j’allais aux Etats-Unis, y’avait tellement de différences. On ne s’y retrouvait pas ici. C’est pour ça que je trainais avec des mecs dans le graffiti, des tagueurs, parce que dans l’attitude, ils étaient plus proches de ce que devait être un mec dans le hardcore, un jeune gars de 20 ans. Les mecs qui étaient dans le tag, c’était des vandales, ils prenaient de la drogue, baisaient les meufs… A l’époque où je trainais avec ces mecs là, on s’incrustait dans les soirées, on se bourrait la gueule, ça draguait les meufs, on se faisait jeter dehors, on s’embrouillait, bref. J’allais à NY, avec les mecs de Merauder, Ezec, les mecs du DMS, qu’est ce qu’ils faisaient ? Ils se bourraient la gueule, ils m’emmenaient dans des soirées branchées, on s’incrustait, on draguait, on se battait, c’était la même chose. Sauf qu’en France, ceux qui faisaient ça, c’était les mecs dans le graffiti. Les mecs dans le hardcore, c’était nul quoi. Y’avait pas cette attitude.
P: Le p’tit galérien, c’était un peu ça.
S: Ce truc un peu street, un peu hooligan.
P: On kiffait traîner dans les villes la nuit. C’est une ville ouverte la nuit ici, c’est pas un village. Les mecs faisaient pareil. Tu marches la nuit, tu t’achètes à boire. Et tu rencontres d’autres gens…

Paris a dû beaucoup changé depuis vos débuts.
S:
Je ne saurai te répondre, j’ai fui vers des cieux plus cléments à mon épanouissement personnel.
P: Paris est toujours aussi belle mais est devenue entre temps une ville constituée uniquement de bourgeois, ou de larbins… Les premiers se « promènent » et les suivants essayent de « suivre » tant bien que mal. A notre époque (fin 80, début 90), Paris avait encore un coté sulfureux et violent. En Europe, nous étions précurseurs; graffiti, hip hop, skinhead vs antifa, etc… Maintenant, c’est devenu la ville de Paris plage, de la techno parade, une ville sympa, formatée à l’extrême et safe ! Mais toutes les grandes capitales occidentales ont connu le même sort : gentrification.

Pour revenir au hardcore, vous pensez qu’il possède encore une spécificité comparé à d’autres sous-cultures musicales ?
S:
Ah non non non, c’est pathétique le hardcore.
D: Nulle part ! Tout est mixé.
S: Après par contre, t’as des vrais gars. Moi j’ai des potes qui sont dans le hardcore aux Etats-Unis. Je sais que si je vais les voir en vacances, je passerai une soirée de ouf. Par contre je parlerai pas musique avec eux, ou même littérature ou autre…
P: Pour moi, si le hardcore avait évolué en musique, ce serait Mars Volta. C’était un peu hardcore avant, les mecs connaissent Bad Brains…
S: Arrête ! Même At The Drive-In c’était pas du hardcore. Tu te tires les veuchs.
D: Pfff, c’est du post-punk ouais, allez.
S: Non mais lui il veut des trucs pointus, je comprends. Non non non, que dalle.
P: Il me fait écouter des petits groupes des fois, les petits rasés qui font du old school.
S: A la limite ouais, je pourrais plus écouter du Youth Attack. Je retrouverais plus l’agressivité. Par contre, ça m’a l’air tellement d’être des baltringues les mecs. Tous des binoclards.
P: Le dernier truc que j’ai acheté c’est Bone Awl, et pour moi c’est du hardcore.
S: Ah mais non, Bone Awl ça n’a rien à voir.
P: C’est l’énergie qu’il y a dedans, je pourrais dire que ça ressemble à du hardcore.
S: Non mais je vois ce qu’il veut dire. Même des groupes comme All Out War, qu’on adorait, ils ont fait les albums de trop. Merauder a fait l’album de trop. Madball a fait je ne sais combien d’albums de trop !
D: Nous aussi peut-être d’ailleurs.
P: Non, on n’est pas encore tombés dans le commercial. On n’a pas fait de neo-metal.
S: On n’a fait aucune copie. All Out War et tous ces groupes, ils ont eu le syndrome Slayer. C’est à dire qu’ils ont une recette, et après ils reprennent leurs riffs, c’est eux qui se repompent.
P: On pourrait faire pareil avec Kickback, tout le monde voulait qu’on refasse du « No surrender« , et bah non. Converge, voilà ça c’était du hardcore. Mais est-ce que ça l’est encore ? Ca a bien évolué.
S: Mais après on aime la qualité. Si demain tu me dis, y’a tel groupe, je vais écouter. On a toujours été exigeants.

C’est finalement vous les « old school » aujourd’hui. La mode et les tendances n’ont pas eu trop de prise sur vous. Y’a des trucs que vous ne feriez jamais pour la thune ?
S:
Dès le début on n’a pas voulu jouer le jeu, ce qui est pour moi la définition même du hardcore, tout du moins celui qu’y se reflétait dans les projets que j’écoutais… Anti-clones, anti-moutons, anti-cons .. Pour ma part, du moment que mon intégrité n’est pas en jeu, tout est possible. On peut jouer n’importe où, avec n’importe qui, on sera toujours les mêmes. Après, c’est vrai que personnellement, il y a plus d’une cause pour laquelle je ne participerai jamais, quelque soit la somme proposée… Nous ne sommes bien évidemment pas à vendre.
P: Tu dois sûrement connaître cette chanson de Killing Time « Fools die« , elle résume tout assez bien… Nous avons essayé de rester fidèle à cette romance hardcore et aujourd’hui encore, malgré notre éloignement de toute scène, elle est encore vivace chez nous. Mais c’est impalpable, nous n’avons plus 20 ans. Le Hardcore est un sous-genre, du rock n’roll, du punk, un média pour des blancs-gâchés comme nous. Et on a déjà vendu notre âme, plus d’une fois, et pas qu’au Diable…. so what ?! Nous sommes notre propre challenge et c’est déjà pas si mal.

Vous croisez encore les anciens membres du groupe où tout le monde sort toujours de Kickback sur embrouille ? (Je suis tombé sur ce site l’autre jour)
S:
Si tu abandonnes le navire en cours de route c’est clair que tu va pas avoir droit à un départ en fanfare… On a toujours été très intransigeant et exigeant avec les nouveaux arrivants comme avec les anciens. Kickback ça a toujours été marche ou crève. Je ne te parle même pas du nombre d’incompétents qui ont voulu se joindre à nous juste pour se faire mousser et qui se sont sauvés ou bien souvent fait dégager avant même la bataille. Avec le recul, il apparaît de manière très clair, que pour que Kickback devienne l’entité pure et impitoyable qu’elle est aujourd’hui, il était essentiel d’affiner le troupeau. Un peu d’eugénisme n’a jamais fait de mal. Musicalement et créativement, jamais le groupe n’a jamais été aussi fort et puissant, n’en déplaise aux passéistes, et c’est tout simplement dû au fait d’avoir réduit le groupe à un trident, trois têtes pensantes et agissantes, complémentaires et kamikazes. Rajoute à ça des mercenaires de haute qualité pour les rituels que sont devenus les lives et tu obtiens une machine de guerre.
Pour ce qui est du site, ça me fait penser à Warhol et ses « 15 minutes de gloire » … Marrant quand tu lis les textes de cette période justement, et quand tu sais qu’on a toujours considéré vivre dans le passé comme une marque de faiblesse.
P: En lisant ton lien j’ai encore bien ri, pas par ce qui y est écrit mais plutôt par ce qui n’y est pas. Mais tout le monde fait ça, se rattraper aux branches du passé… bref ! Nous avons collaboré avec tellement de monde, mais dans le tas qui a vraiment compris ou donné son âme au diable pour ce groupe ? Personne !!! Avec tous les anciens membres, nous sommes quasiment resté en bons termes, mais personne ne se fréquente plus, à part peut-être Irvin. Moi de toute façon, je ne fais plus aucun effort dans ce sens.

Stephen, tu disais dans une interview que l’attitude négative que vous aviez sur scène n’était pas toujours en corrélation avec vos vraies personnalités. Tu te qualifiais de « bon vivant » !
D:
Nietzsche, oui !
S: Alors oui, c’est comme une pièce, t’as plusieurs facettes. C’est sûr que je suis un bon vivant mais quand je monte sur scène c’est autre chose…
D: On baise, on bande, on bouffe. On vit.
S: Après tout dépend de la situation, s’il faut se taper faut se taper, s’il faut être bon vivant, faut être bon vivant, etc… Mais quand je prends le micro c’est la guerre. Ou pas. Ca peut être l’ennui, le dégoût, mais ça reste quand même fort. C’est comme des mecs qui me parlent de Sotos, quand tu le rencontres dans la rue, c’est le mec le plus poli, le plus aimable.
P: Il est juste perturbé dans son cerveau.
S: C’est pas parce qu’on a une façon différente d’interpréter notre, j’allais dire « art », mais je déteste ce mot.
P: T’intellectualises là.
D: C’est eux qu’ils le font !
P: Les fantasmes.
S: C’est pas un dégueulis mais presque. Que ce soit Bacon ou un autre, le mec il dégueule sur du papier. Moi c’est pareil, je prends le micro je dégueule. Sinon, j’aurais jamais fait de hardcore. On n’en a pas parlé mais ce qui m’a poussé dans le hardcore en premier, c’est un besoin interne de dégueuler. C’est le problème avec 99% des groupes de hardcore aujourd’hui, les mecs crient mais ils crient pour quoi ? C’est comme Hatebreed, ça crie mais y’a pas de haine, ou d’angoisse ou n’importe quoi, y’a rien. Je pense qu’il faut être quand même un peu dérangé… Y’a un côté ou antisocial, ou passionné, ou obsessionnel, sinon tu prends pas un micro. Tu fais pas du hardcore, tu fais autre chose.
D: C’est une passion, c’est un contexte.
S: Pour l’attitude négative, tout est relatif… Il m’arrive d’avoir des discussions avec des gens, je suis posé, je parle sans m’énerver, et les gens vont me dire « ah t’es super extrême, t’es fou », uniquement pour avoir eu des avis sur un truc.

Mmm.
S:
C’est vrai que j’ai toujours vu la scène comme un conflit. A la base c’était pas tout à fait ça, mais je ne parlais pas avec le public, y’a jamais eu de communication. C’est arrivé pourtant, c’est arrivé plein de fois, et c’était super agréable aussi, des concerts où un vrai truc se passe avec le public, tu sais pas pourquoi mais ça se fait, les mecs ont compris. Mais en général, t’as les mecs qui bavent devant, t’es en province, t’as même pas envie… On n’est pas des amuseurs, on n’est pas des entertainers. « Allez les gars, réveillez-vous ! » Tu veux pas bouger ? Bah casse-toi ! Ce ne sont que des réactions naturelles, instinctives, animales. Moi j’arrive dans la salle, selon le degré d’alcool, ou de drogue, tu sens les vibes direct. Tu sais si ça va être conflictuel ou pas. Je ne sais jamais comment ça va se passer. Quand on a fait le Hellfest, j’arrive, je prends le micro, je vois un parterre de merde, je jette le pied de micro.
D: C’est rien ! On l’a fait 100 fois, 100 fois. Mais comme par hasard, c’était le Hellfest. Paysans et fonbous.
S: C’était instinctif. Rien n’est calculé là-dedans. Si je commençais à calculer les trucs, j’arrêterais tout.
P: C’est pour ça que c’est encore un peu marrant. Sinon on se ferait chier. Moi je sais pas comment ils font tous ces mecs qui tournent…
S: Ils sont dans une démarche, ils sont dans l’entertainment, dans le business.

Vous avez déjà pensé arrêter le groupe ?
D:
Ah ah. 600 fois.
S: Non, jamais moi !
D: « Et on change de nom »…
S: Ah oui ! Je voulais changer le nom. Mais ils n’ont pas eu les couilles. Ils se sont chiés dessus.
P: Non mais je ne vois pas pourquoi, je suis un fidèle moi. Je suis fidèle à tout.
S: Déjà on n’a jamais splitté. A un moment, on s’est juste retrouvé à deux, Pascal et moi. On s’est jamais dit « on arrête », même si on a mis 10 ans avant d’enregistrer un nouvel album parce qu’on ne trouvait personne, mais dans notre tête c’était « on va y arriver ». « Never give up, never give in ». Kickback c’est ça aussi, c’est une vraie lutte. Que ça soit dans nos vies personnelles ou ailleurs. Puis il n’y a même pas de raison d’arrêter, pourquoi on arrêterait ? Quel intérêt de dire « Bon bah on arrête ». Non, on dit rien. Puis si on fait rien, on fait rien. On n’a pas besoin de dire que c’est fini.

Merde. J’ai oublié d’évoquer vos passages télé dans les années 90 ? Sur MCM notamment.
P:
Du copinage, de l’entrisme.
S: Que de l’entrisme.
P: De toute façon, le business de la télé c’est ça.
S: C’était grace à Virgin, vu qu’on était chez Hostile.
P: Après quand t’as un groupe, tout dépend de ton attaché de presse. L’attaché de presse, il a des connexions et un carnet d’adresses. Nous on n’en avait pas mais on avait Dama [Benjamin Chulvanij], qui a créé Hostile. Et on avait des potes, on connaissait le fils de Laure Adler.
S: C’était un tagueur, il taguait SEYO.
P: Voilà, ça a aidé encore. Et comme Dama taguait aussi…
S: On n’a jamais couru après ça.

Et le film ‘La Mort du Chinois‘ ?
D:
Zzzzzz, rrrrrrr.
S: Avec le recul je me dis, mais qu’est ce qu’on a fait. Quand t’es en train de le faire sur le moment, t’es avec tes potes, tu te bourres la gueule, tu te rends pas compte.
P: Moi je suis pas dedans, j’avais esquivé. J’ai pris l’argent mais j’y suis pas allé.
S: Je crois qu’on ne s’est pas rendu compte de l’image du truc. Au final on s’en fout, c’est ridicule mais bon.
D: Zzzzzzz, rrrrrrr.
S: Ca nous représente pas. A un moment on a fait un truc ridicule, mais qui peut échapper au ridicule 24/24.
D: C’était avant quoi, avant.
S: On a bien rigolé, on a pris de la thune.
P: C’était la fête ! Tout le monde était bourré…
S: C’est vrai qu’on était à deux doigts de leur dire, « bon allez vous faire enculer ». En fait, le deal du départ, ils voulaient un groupe. On a dit OK mais nous on ne changera pas, on va pas se déguiser. On arrive sur le tournage et il faut passer au maquillage, costumes. « Costume de quoi ? » On a refusé. Les mecs étaient en train de paniquer… Après le plan, je l’avais eu avec quelqu’un que je pouvais pas envoyer chier toute la journée non plus. Donc on a dit « bon allez, on le fait ».
P: Il faut savoir aussi que c’est la première fois de notre vie où l’on a été cool, on a été « Unity » avec la scène et compagnie. Parce qu’on a fait venir tous les hardcore de Paris pour qu’ils soient payés à faire les figurants. Ce qui a posé des problèmes. Y’en avait plein. On a quand même fait croquer tout le monde à l’époque. Même si c’était minable.
P: Pour Arte, on connaissait Roizès, c’est tout. On a fait Tracks.
S: Ouais, il y a un mec qui s’appelait Philippe Roizès et qui était journaliste pour Arte, un ancien mec du hardcore, du vieux hardcore. Il avait un groupe qui s’appelait Heimat-Los.
P: Non lui c’était Kromozom 4. Mais c’était plutôt le manager, le label.
S: Oui mais c’était cette bande là. Et donc lui est devenu journaliste, et c’est lui qui a voulu faire la même chose que le clip de Sick Of It All sur les danses avec ‘Forever war’, pour Tracks.
P: C’était le pitch pour y avoir accès.

Et aujourd’hui, vous faites quoi à côté du groupe pour payer vos loyers ?
S:
Chacun se débrouille comme il peut, en gardant toujours en tête le groupe comme priorité, donc boulots alimentaires de merde, système D ou tout simplement l’illégal… Personnellement, j’ai décidé il y a quelques temps déjà que je ne travaillerai plus jamais pour un patron.
P: Parlons peu parlons bien… En 2012, Kickback c’est 3 personnes. Chacun trouve, selon son origine sociale, le moyen de ne pas s’aliéner avec le travail et toutes les contrariétés qui vont avec. Après, on ne peut pas tout te dire quant au financement personnel de chacun… Vol, prostitution, salariat, subvention… On prendra tout mais on ne donnera rien, du moins on essaiera le plus possible.


2 Commentaires

  1. Hé mec, le lien pour YOUTH ATTACK c’est ça:

    http://www.ihateyouthattack.com/

    pas ce groupe pourri que t’as posté…

  2. Rodolphe Bonno

    C’était donc le label et pas le groupe ?