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L’agonie de Pantani

« Comme cela arrive souvent avec les grandes figures, il n’est pas interdit de penser que ce que les gens ont alors projeté sur Marco Pantani en disait plus sur eux-mêmes que sur lui. On ne l’a pas aimé parce qu’il gagnait. Quelques dizaines de victoires dans toute sa carrière, soit à peu près ce qu’Eddy Merckx moissonnait en une année. On l’a aimé parce qu’il déjouait les pronostics et qu’il faisait tomber les puissants, les favoris et les tenants du titre, Indurain, Tonkov ou Ulrich. On l’a aimé parce que la vie ne lui faisait pas de cadeaux. On l’a aimé parce qu’il pratiquait un cyclisme que l’on avait cru réservé aux fantasmes ou aux livres d’histoire. On l’a aimé parce que face aux micros, il ne récitait pas des communiqués de presse écrits par d’autres, mais qu’il disait la vérité, sa vérité. On l’a aimé parce qu’il avait l’air faillible, et qu’il l’était pour de vrai. On l’a aimé, surtout, parce qu’on sentait bien que dans ses démarrages à répétition se jouait autre chose qu’une simple victoire d’étape, mais quoi ? Un jour que le journaliste Gianni Mura lui avait posé la seule question valable – « Marco, pourquoi vas-tu si vite en montagne ?« – Pantani avait répondu : « Pour abréger mon agonie. » A l’époque, personne n’avait vraiment compris de quelle agonie le champion parlait. Rétrospectivement, la phrase a pris un tout autre relief. C’est sans doute l’apanage des grands héros tragiques que de voir avant les autres ce qui finira par leur arriver. (…)

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La Chute de l’empire américain