GABIN (1930-1976): Le Printemps du Cinéma

La vie est un couloir où j’me suis toujours senti à l’étroit.

En effet, le père Gabin a à peu près tout joué durant sa longue carrière qui frôle la centaine de rôles. Il y a quelques mois, FredleJUSTE a mis en ligne près de la moitié des films en question. C’est le printemps du cinéma sur YouTube. Des titres oubliés aux côtés de classiques (oui il en manque et alors), des scénarios de cantonnier transcendés par des destins d’aventurier, des années 30 jusqu’à sa fin de carrière dans les années 70, lui qui n’a pas supporté l’arrivée du punk et a succombé en 1976. C’est la bonne occase de redécouvrir le bagout à la française sous toutes les coutures dans des problématiques qui reflètent les époques traversées. L’histoire de France en 5 décennies quoi. Tous les titres cités plus bas sont disponibles directement dans la LISTE

Alors écoute, j’le connais ton p’tit air de violon, mais méfie-toi que les cordes ne pètent pas avant la fin du morceau.


OUVRIER et EMPLOYÉ

1930, Chacun sa Chance, Hans Steinhoff & René Pujol
1931, Cœurs Joyeux, Hanns Schwarz & Max de Vaucorbeil
1933, Le Tunnel, Kurt Bernhardt
Jeannot s’est mis dans le ciboulot de creuser un tunnel sous l’Atlantique, joignant le vieux et le nouveau continent. Et ce n’est ni sa femme, ni le syndicat, ni les nappes souterraines et les explosions de gaz qui l’arrêteront !
1934, Zouzou, Marc Allégret
1936, La Belle Équipe, Julien Duvivier
« Ah le petit vin blanc » ! Ben oui, tout part et vient d’ici, Nogent breakdown. 5 chômeurs décident de monter une guinguette sur les bords de Marne après avoir gagné cent mille à la loterie. Une somptueuse histoire de déboires, et deux fins alternatives.
1939, Le Jour se Lève, Marcel Carné
Le meilleur Gabin ? Pas loin. Un homme enfermé dans son appartement après avoir commis un meurtre criera son désespoir et ses remords à qui veut l’entendre. C’est à dire à la foule anonyme. Scène d’anthologie.
1946, Martin Roumagnac, Georges Lacombe
Quand Jean Gabin rencontre Marlène Dietrich, ça fait boum !
1953, Leur Dernière Nuit, Georges Lacombe
Pierre Ruffin est bibliothécaire le jour et truand la nuit. Son petit manège n’a jamais fait de vagues jusqu’à ce que Madeleine arrive, et qu’il s’en amourache. Un dernier coup foireux dans les usines Renault va sceller leur destin. Pas si mal pour l’époque.
1954, L’Air de Paris, Marcel Carné
La boxe, Pâââris, Arletty, la lutte des classes, le tout filmé par Carné. Qu’est ce que t’attends titi.
1956, Voici le Temps des Assassins, Julien Duvivier
Les Halles avant le drame. André Châtelain, restaurateur apprécié, voit un jour sa fille débarquer. Son ex-femme lui avait caché. Il finit par la marier mais pauv’ pomme qu’il est ne se rend pas compte des manigances. Un thriller psychologique gonflé, oui môsieur.
1960, Les Vieux de la Vieille, Gilles Grangier
Trois vieux collègues font des blagues si lourdes que plus personne ne peut les saquer. Vous avez vécu ça ? Mais la vengeance du villageois est un plat qui se mange froid. Tout ça est tourné en Vendée et dialogué par Audiard, évidemment.

MARIN et AVENTURIER

1941, Remorques, Jean Grémillon
Une femme malade qui n’arrête pas de chialer, une nouvelle rencontre affriolante, et au milieu un marin déboussolé. C’est finalement la mer qui prend l’homme et l’ennui qui nous prend une heure et demi.
1942, La Péniche de l’Amour (Moontide), Archie Mayo
1955, Le Port du Désir, Edmond T. Gréville
1962, Un Singe en Hiver, Henri Verneuil
Gabin et Belmondo ne sont pas sur un bateau mais ça tangue! Le roman d’Antoine Blondin adapté par Audiard, inutile de préciser que c’est crucial.
1971, Le Drapeau Noir Flotte sur la Marmite, Michel Audiard
A la rigueur, pour voir Gabin en bout de course, plus grognard que jamais, et les rôles de décomposition de Jean Carmet et Claude Piéplu.

FLIC et MILITAIRE

1933, Pour un Soir, Jean Godard
1935, La Bandera, Julien Duvivier
La soif de voyage à l’époque passe obligatoirement par l’armée ou la légion quand on est un pauvre prolo comme Pierre Gilieth. Si on a en plus refroidi un gusse ou une poule avant de fuir à l’étranger, et qu’on tombe amoureux d’une danseuse arabe, on corse les choses. Ça cogne dur sous le képi et sous le soleil marocain.
1955, Napoléon, Sacha Guitry
1955, Razzia sur la Chnouf, Henri Decoin
Quoi? Tu l’as jamais vu? La France découvre Lino Ventura qui explose le cinéma !
1956, Crime et Châtiment, Georges Lampin
1972, Le Tueur, Denys de La Patellière
Petit film policier sans envergure mais tout de même attachant. On dirait que personne impliquée dans cette réalisation n’a cherché à donner de l’entrain et de l’engouement à l’intrigue. On croit autant au vice de Fabio Testi qu’à Bernard Blier en commissaire technocrate. A voir pour le Paris tout cassé du début 70.

VOYOU

1936, Les Bas-Fonds, Jean Renoir
L’adaptation de la pièce de Maxime Gorki survole haut-la-main tout le cinéma de l’époque. La vie des vauriens regroupés dans des logements de fortune. On passe facilement du rire au larmes, mais en argot!
1944, L’Imposteur (The Impostor), Julien Duvivier
Un voyou survit aux bombes en fuyant vers la zone libre. Il usurpe l’identité d’un soldat mort qui gît à côté de lui. Son destin le conduit à profiter de la vie sous le soleil des colonies. Mais son secret devient invivable. Intéressant. Gabin est alors exilé aux USA.
1949, Au-delà des Grilles(Le mura di Malapaga), René Clément
L’histoire se répète, un homme tue, et se réfugie à l’étranger. Comme Gabin pendant la guerre. Après l’Espagne, l’Italie et les faubourgs de Gênes. Une belle serveuse, mais un étau qui se resserre et un suspense à couper au couteau de poisson.
1961, Le Cave se Rebiffe, Gilles Grangier
Fausse mornif’ et association de malfaisants, gros classique de la comédie gangster avant les Tontons et les Barbouzes. Et ouais mon p’tit pote.
1962, Le Gentleman d’Epsom, Gilles Grangier
Gabin rencontre Louis De Funès, aïe !
1963, Mélodie en Sous-sol, Henri Verneuil
Alain Delon et Jean Gabin c’est une affaire qui marche. Enfin c’est ce qu’on croit avant cette virée au casino de Cannes. Alain se prend pour James Dean alors qu’il n’est qu’un parigot mécano. A part ça c’est tout simplement un des meilleurs films criminels français.
1966, Du Rififi à Paname, Denys de La Patellière
Je ne sais pas si Paulo les Diam’s a eu une incidence sur le parcours de la rappeuse. Quoiqu’il en soit, Alphonse Boudard en force.
1966, Le Jardinier d’Argenteuil, Jean-Paul Le Chanois
On ne sait pas comment s’est passé la rencontre avec Gainsbourg, qu’il retrouvera deux ans plus tard dans Le Pacha. Mais elle vaut une scène évocatrice de l’époque des « happening ».
1967, Le Soleil des Voyous, Jean Delannoy
« J’voudrais pas vous vexer mais j’vous trouve un peu effémines pour le genre de la maison ». Truand un jour, truand toujours, surtout quand il s’agit d’aider les vieux potos. Y’a plus de Domino ni de Chaumière qui tienne. Tatata.
1976, L’Année Sainte, Jean Girault
Son ultime film le voit auréolé sur l’affiche, certains signes ne trompent pas.

RICHE et PUISSANT

1947, Miroir, Raymond Lamy
Financier le jour, truand la nuit. Le scénario se répète, et l’obscurité est mère de tous les vices.
1950, La Marie du Port, Marcel Carné
Tous les ingrédients chers à Gabin réunis: une brasserie, un cinéma, la Normandie, un joli minois, le café du port, une coque de noix, et le cul entre deux chaises. Marcel fait le reste.
1951, Pour l’Amour du Ciel (È più facile che un camello…), Luigi Zampa
1956, Le Sang à la Tête, Gilles Grangier
Traîné dans la fange par les Rochelais après la fuite de sa femme, un riche armateur doit se poser les bonnes questions sur son rôle dans la société. Une œuvre psychologique hors-normes, non je déconne.
1958, Les Grandes Familles, Denys de La Patellière
1964, Monsieur, Jean-Paul Le Chanois
Gabin, Mireille Darc et Philippe Noiret qui joue Bernadac, pas l’auteur des Médecins maudits mais un riche industriel que Jeannot va finement ruser. En plein boum yéyé.
1965, Le Tonnerre de Dieu, Denys de La Patellière
Brassac, vétérinaire à l’abri du besoin, recueille une prostituée sous l’œil décontenancé de sa femme et l’œil torve du voisin. Gabin joue les grands princes et une scène magnifique sous un orage violent.
1970, La Horse, Pierre Granier-Deferre
La horse c’est l’héro en argot. Une bataille rangée entre un vieux fermier et des trafiquants de drogue, à l’écart de la flicaille pour préserver le clan familial. Une grimace d’1h40 sans aucune fausse note!
1974, Verdict, André Cayatte
Avant dernier film mais dernière affaire pour le juge Leguen. « Tu l’as violé ou pas? » Moi j’aurais avoué dans la seconde sous les yeux fusils du daron aux cheveux blancs. Mais Sophia Loren pense autrement. Choc des cultures.

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