« Qu’on aille un peu à l’étranger pour faire rentrer un peu d’argent dans les caisses, je comprends. Mais le Tour, c’est la France. Moi depuis que c’est en Amérique du Sud, je ne regarde plus le Dakar! En France, on donne tout à l’extérieur, et une fois qu’on a plus rien on pleure. On délocalise nos usines et maintenant on pleure parce qu’on a plus de boulot. Gardons nos usines en France. Nos courses de vélo, c’est nos usines. C’est du travail. Pour des coureurs, des mécanos, des kinés. Pour des hôteliers qui font fonctionner leur établissement. […] Si on garde pas ça, on va crever. Et puis il y a un autre truc. Au CIO et à l’UCI, la langue, avant, c’était le français. Maintenant, on commence à parler anglais. […] J’estime que quand on est en France, bordel de merde, si dans une mairie on fait la réunion des directeurs sportifs en anglais, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va plus. Je vous rassure tout de suite, je vote pas Front National, hein. On est une terre d’accueil. Je préfère que les étrangers viennent faire une belle course en France plutôt que d’aller en faire une en Chine ! »
« Je suis Français avant d’être européen. En 1987, je suis champion de France. Départ du Tour, à Berlin, on nous met le drapeau européen sur le maillot. Tous les jours, j’arrachais le drapeau européen sur mon dossard. Systématiquement. Parce qu’on n’avait pas dit oui à l’Europe, et que l’Europe ça a marqué la mort des paysans français. Mon père était paysan en activité, et ils ont morflé. […] Je n’acceptais pas cette forme de récupération qu’avait faite le Tour, parce qu’ils avaient dû toucher des ronds pour le bazar. Au bout de trois ou quatre jours ça s’est vu, en plus j’avais le maillot de champion de France… Mais je voyais dans quelle merde étaient les paysans mayennais et je le supportais pas. Au bout de huit, dix jours, Jacques Delors arrive sur le Tour et m’attend au pied du podium. « Je suis un de vos admirateurs et je ne comprends pas que vous enleviez le drapeau. Je vais vous écrire et vous convaincre du contraire. » Il ne m’a jamais écrit. »
Marc Madiot, Pédale! #4, 2014.
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