Maudit !

« Aujourd’hui, la liberté sexuelle de la majorité est en réalité une convention, une obligation, un devoir social, une anxiété sociale, une caractéristique inévitable de la qualité de vie du consommateur. Bref, la fausse libération du bien-être a créé une situation tout aussi folle et peut-être davantage que celle du temps de la pauvreté.

En effet, premièrement: le résultat d’une liberté sexuelle “offerte” par le pouvoir est une véritable névrose généralisée. La facilité a crée l’obsession; parce que c’est une facilité “induite” et imposée, découlant du fait que la tolérance du pouvoir ne concerne que l’exigence sexuelle exprimée par le conformisme de la majorité. Elle ne protège que le couple: et le couple a fini par devenir une condition de paroxysme, au lieu d’être un signe de liberté et de bonheur. […]

Autrefois le couple était béni, aujourd’hui il est maudit. Les conventions et les journalistes imbéciles continuent de s’attendrir sur « le bon petit couple » (comme ils disent abominablement) sans s’apercevoir qu’il s’agit là d’un pacte criminel. Et les mariages: autrefois, c’étaient des fêtes, et leur caractère d’institution – si stupide et sinistre – était moins fort du fait qu’il était institué par, précisément, un processus heureux et joyeux. Aujourd’hui, au contraire, les mariages ressemblent à de hâtifs rites funèbres. La cause de toutes les choses terribles que je suis en train de dire est claire: autrefois « l’espèce » devait lutter pour survivre et, par conséquent le nombre des naissances devait dépasser celui des décès. Aujourd’hui, par contre, « l’espèce », si elle veut survivre, doit s’arranger pour que le nombre des naissances ne dépasse pas celui des décès. Et donc: chaque enfant qui naissait autrefois, représentant une garantie de vie, était béni, tandis que chaque enfant qui naît aujourd’hui, contribuant à l’autodestruction de l’humanité, est maudit. »

Écrits corsaires, Pier Paolo Pasolini, 1975.
Légende: Les mauvais médecins, James Ensor, 1895.

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