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En direct des ténèbres

« Comment feriez-vous ? – avec du pavé solide sous les pieds, entouré de bons voisins prêts à vous applaudir ou à vous tomber dessus, allant à pas comptés du boucher à l’agent de police, dans la sainte terreur du scandale, de la potence et de la maison de fous – comment imagineriez-vous la région précise des premiers temps où la démarche sans entraves d’un homme peut l’entraîner, en passant par la solitude – la solitude absolue sans agent de police – par le silence – le silence absolu où ne s’entend nulle voix de bon voisin, d’avertissements chuchotés touchant l’opinion publique ? Ces petites choses font toute une énorme différence. En leur absence, il faut retomber sur sa force intérieure, sur sa propre capacité de fidélité. Naturellement il se peut qu’on soit trop sot pour se fourvoyer, trop obtus pour savoir seulement qu’on est assailli par les puissances des ténèbres. Je présume qu’aucun sot n’a jamais marchandé son âme au diable : le sot est trop sot, ou le diable est trop diabolique – je ne sais. Ou il se peut que vous soyez un être si formidablement exalté que vous resterez absolument sourd et aveugle à tout sauf au céleste visible ou audible. Alors la terre pour vous n’est qu’un lieu où vous tenir – et que cet état soit pour votre perte ou votre profit, je ne me prononcerai pas. Mais la plupart d’entre nous ne sont ni l’un ni l’autre. La terre pour nous est un lieu où vivre, où il faut se faire à des spectacles, des bruits, des odeurs aussi, bon Dieu ! respirer de l’hippopotame mort, pour ainsi parler, et ne pas être contaminé. Et c’est là, voyez-vous, qu’on trouve sa force, la foi en sa capacité de creuser de modestes trous pour y enterrer la camelote – son pouvoir de dévouement, non à soi-même, mais à un labeur obscur, éreintant. Et c’est rudement difficile. »

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Denys Arcand : Du déclin aux ténèbres

LE DÉCLIN DE L’EMPIRE AMÉRICAIN (1986)



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