The Infamous

1. GENESIS

Albert « Prodigy » Johnson naît le 2 novembre 1974 à Hempstead, Long Island, au sein d’une famille dédiée au monde du spectacle. Grand-père célèbre jazzman apprit à lire à Quincy Jones, Grand-mère jadis danseuse au Cotton Club et matronne d’une fameuse école de danse New-Yorkaise et Maman qui chantait dans The Crystals en 1962. Il était évident que le petit Prodige n’allait pas finir maçon. Seul hic, le père, accroc à l’héro est plutôt instable. L’enfant aussi. P. est atteint de Drépanocytose, une maladie cellulaire héréditaire qui touche les populations afro et latino. Il fait pipi au lit jusqu’à tard, manque souvent d’énergie, ne rit jamais, d’où la frustration quand il voit ses camarades à fond dans le sport. Ce caractère posé que la Nature lui inflige lui servira avec les filles, qui tombent souvent sous son charme, une belle revanche sur la vie. Il n’attendra d’ailleurs pas le teenage pour avoir son premier rapport sexuel, tout en gardant son caleçon bien sûr, protection assurée !

C’est en 1982 que Prodigy débarque à Queensbridge, sa mère y ayant dégoté un job. Changement d’ambiance, fini les écoles pour petits blancs. P. est déjà dans son truc et écrit son premier morceau « you’se a crackead » en se baptisant The Tap Dance Kid. Oui, il suit toujours des cours de danse et est plutôt doué, Jay-Z se plaira à rappeler cette passion quand il dissera Mobb Deep au milieu des années 90. A l’âge de 10 ans, Prodigy se fait kidnapper par son père et passe un an à Detroit. Back in Lefrak en 85, virulent mais faible physiquement, P. se fait lyncher dans la cour de récré. Premier BBgun à 11 ans. 1986 est déjà là, l’année de Mike Tyson, du Juice Crew, le crime et les drug wars sévissent à NY et tu n’as pas le choix dans cet environnement hostile; être précoce ou périr.

2. POETICAL PROPHETS

1989, on zappe le collège. Prodigy a évidemment arrêté la danse pour devenir crédible dans la rue. C’est le premier jour de lycée, option art & design. Voyou non ? De toute façon ils assisteront rarement aux cours. Ce jour détermine le reste de l’année, voire les trois prochaines. Dress to impress. Ambiance prison, le self est le lieu de tous les vices. Il faut frayer son chemin. Managé par sa mère, Prodigy n’attend pas, il se concocte une petite démo au nom de Lord-T (The Golden Child), dédicace à Eddie Murphy. Les connexions sont faites et l’enfant en or apparaît dès ses 16 ans sur la B.O. de Boyz N The Hood, too young !

Il flirte alors avec la meuf de chez JIVE et obtient un deal. Dans la foulée, son pote au bahut lui suggère de rencontrer my man havoc. L’introduction se fait au cours d’une baston, les présentations sont faites. L’amitié est scellée et connaîtra un parcours sinueux, personne ne pouvant rentrer dans l’esprit d’Havoc. Surtout lorsque celui-ci en sortant du bureau de Russell Simmons de Def Jam, frustré de n’être pas signé sur le label (raison: trop jeunes), tire sans faire exprès sur le type de l’accueil pour 2 posters ! Quelques semaines plus tard, les prophètes poétiques opteront pour Mobb Deep, un nom correspondant plus à leur karma.

Prodigy revient sur cette Savage Mentality dès le début du bouquin:

« I prefer a savage mind over a square one, because without money, expensive houses in safe neighborhoods, cars, and the other materialism that gives a false sense of security in their little fake-ass world, a square couldn’t survive in the real world where poverty and savages are king. Just imagine for a moment, the apocalypse hits. Armageddon. Babylon (the corporate world) is falling. No electricity, bank accounts, gas stations, no calling 911, because there’s no phone service. Who will survive longer, if at all? Mr. and Mrs Square-Ass Lame with their master’s degrees and Prada suits? Or Mr. and Mrs. Savage Mentality, who are used to having nothing and are close friends with all the neighborhood criminals? »

3. MOBB DEEP

1991. Prodigy découvre Queensbridge et sa faune avec Havoc comme guide. QB pour les intimes.
« They say New York is fast-paced – well, QB is triple that speed mentally. »

Laissez-le vous présenter la famille:
« Back in New York, I hung out in QB everyday with Hav’s friends. Jamel and Jamal were twins – you could tell them apart because Jamel had two razor cuts on his cheeks […] from a brief Rikers Island bid. […] We called Jamal Twin Gambino and Jamel the Scarface Twin. Then there were Ron Gotti, who came to be know as Godfather; Karate Joe, who was a martial arts expert; Yamit, the Golden Gloves boxer; Free High, who smoked everybody’s weed and never chipped in or bought his own; Capone, who had a reputation for supposedly shooting a cop and cutting people with razors; Draws, who we called Super Trooper because he survived numerous shootouts and had been shot multiple times; Rap and Spark, two older laid-back hustlers who didn’t hang out with us much because they were wiser than us, though when they did come around, thay’d avice us to stop all our young-minded shit and just get money; Prince God, who was always just coming home from jail; Opps aka Dead Arm ’cause he knocked dudes out with one hit; and Tejuan- they called him Noyd because he looked like the Domino’s Pizza charracter the Noid. He was the only one in the crew with his own apartment, no parents. […] That was the hangout spot; we called it the Honeycomb Hideout. »

Il apprend vite quel rappeur domine la zone. NAS est considéré comme le meilleur. Le 12th Street Crew le met en garde. Si Nas le trouve bon, il sera accepté dans le quartier.

« Nas and them were sitting on the bench as usual. “Yo, I got my man P right here, he wanna battle you,” Gambino said. Nas was nonchalant like, All right, corny little dude … who does this kid think he is coming around to battle me ? That’s Nas—everybody knew how nice he was back then. I had a little liquor in me so I was feeling myself. It was time to battle Nas.
The Twins and I stood next to Nas and two of his boys on the bench. I was nervous as hell. I spit, Nas spit, then I spit some more. We lit a blunt and passed it around between raps. When I heard Nas rhyme I thought, Damn, I can’t say no shit better than that! His was better than mine. He told me my shit sounded cool and his boys said the same. I knew Nas had the better rap but the Twins were always encouraging me. « You the best P, you the best! » Nas was the best. Havoc was better than me, too.
We shook hands, and the Twins and I walked back over to Hav’s block on the Forty-first side. « You’re doing your thing, P, but there’s one more person you gotta battle », they said. « If he says you good, then you good. »
« Who is he? » I asked. « Where’s he at? »
« You gotta wait, he’s locked up right now. His name is Cormega. If you can hang with Mega, then you can hang with us. »
Everybody in the hood said that Mega was a hundred times better than Nas, and Nas was fuckin’ good. They had me scared to death to battle Mega. »

Test réussi, mais Nas commence déjà à tacler Prodigy dans son dos, spécialité maison. Pendant ce temps, P. et ses potes partent en mission et réinventent le langage rap.

« We called crack « he-mes », cigarettes « bogies », and St. Ides malt liquor « thainy ». The word thainy came from our own cryptic speech code, something like pig Latin. This kid Bumpy started it and I dubbed it the Thun Language. For example, instead of calling each other son we said “thun,” and “thorty” instead of shorty. It got real intricate. Bumpy had a speech impediment that made him talk like that naturally, but we all turned it into our hood slang.
We even had slang terms for money – a one-hundred-dollar bill was called a « man », fifties weere « half a man », twenties « dubs », tens « demons », and a five was a « fever ». We called the police « jakes » from the eighties TV show Jake and the Fatman, and a phone was a « jack ». Jewelry was « shine » or « special effects », oral sex was a called a « head spin », and regular sex was a « back spin ». We were doing and saying things nobody had seen or heard before. »


4. JUVENILE HELL

1992. C’est l’année des premiers enregistrements, testés directement dans le hood, évidemment. La vie d’Havoc consiste déjà à passer 22h de sa journée dans le studio (le Riley’s crib). Après l’incident Def Jam, Mobb Deep signe sur 4th & Broadway et tourne ce fameux clip où munies de faux, ils coupent l’herbe sous le pied de NY. Les deux gamins se créent une base fan dans tous les USA. Quelques mois plus tard, un mec gros arrive de Brooklyn et chante « Party & Bullshit ». Ca commence à flamber de partout.

5. THE INFAMOUS

1995. LE album est dans les bacs. C’est la meileure cuvée du rap « nouvelle école », le genre ne sera jamais plus comme avant. Les dealers tristes font entrer leur mélancolie urbaine au panthéon de la musique noire. Lorsque « Shook ones » retentit au Tunnel (le gros club rap new-yorkais de l’époque), le moshpit part dans tous les sens. La Mobb brille et attire déjà tous les bums !

« Every time Funkmaster Flex played Nas or Mobb Deep, we lost control slam-dancing, tossing girls in the air, spilling our drinks on ourselves, Chris Lighty pulled me to the side one night, knowing he just gave us a small armory of weapons. « Please don’t kill anybody in here », he said. « They have cameras all over the place now ». »

Les connexions se font, Chris Lighty est leur manager. Mais ne peut éviter tous les shows annulés à cause de leurs conneries. Ils rencontrent aussi les hommes d’affaire du rap, Steve Rifkind, Lyor Cohen, Russell Simmons. Le duo devient gros.

6. HELL ON EARTH

1996. L’enfer se résume à cette rivalité EAST vs WEST qui ne fait qu’empirer. Suge Knight de Death Row Records charrie Puff Daddy de Bad Boy Records qui danse dans toutes les vidéos de ses rappeurs (ahah). Snoop Dogg dit du mal de New York. Les Source Awards de cette année là seront chahutées. Le bloc de l’est pond plus tard le monstrueux « L.A. L.A. » qui riposte à 360° du toit d’un immeuble. Pendant ce temps, Prodigy ne perd pas le nord et s’instruit.

« The Dr. York books I was reading spoke about how hospitals inject babies, especially black babies, with microchips and diseases at birth when they vaccinate them. »

Mais NY doit aussi faire face à ses dissensions internes. Guns stories à gogo. Enfant armé à vélo. Capone-N-Noreaga cherchent des pous à Mobb Deep, Killer Black s’excite, le climat devient étouffant. Prodigy choisit ce moment pour décompresser et déménage malgré lui à Long Island avec sa meuf. Il tente de se ressaissir après les tournées pleines d’abus du groupe. Il quitte les drogues, mange sainement, lit, et regarde des films… dont They Live! de John Carpenter. Il réalise alors que la connaissance est infinie. Il essaie, comme Rowdy Pipper, de prêter ses nouvelles lunettes à ses potes mais ceux-ci ne sont pas encore prêts, plutôt enclins à fumer des spliffs. Killer Black se suicide, un mort à ajouter sur la liste. Mobb Deep, toujours triste, enchaine les collaborations par pelleté. On n’oubliera le malaise avec Blondie, mais pas le concours de t-shirt mouillé de Mariah Carey. C’est l’age d’or du groupe.

7. MURDA MUZIK

1998. Le carriérisme entre dans la partie. Pee veut s’essayer en solo, on lui monte la tête. Il écrit, « White lines ». A QB, l’état de siège est permanent et le monde qui gravite autour n’a aucun impact. Tout se vit en sous-marin. C’est à dire dans des berlines à fumer des gros spliffs.

8. H.N.I.C.

1999. Album solo dehors. Et Mobb Deep part en tournée… avec Limp Bizkit ! Prodigy et Havoc découvrent les groupies du rock blanc, et n’en reviennent pas. Elles font la queue devant le bus du groupe après chaque concert, et passent à la casserole une par une. Limp Bizkit roulent sur l’or, ils possèdent même un dentiste dans le tour bus. Démesure totale. Il se familiarisent aussi avec Ja Rule, qui fait parti du line-up. Plus tard, dans une fête « habillée » organisée par Steve Rifkind:

« We looked real thugged out compared to the rest of the crowd. Then Ja Rule walked into the party in a loosely knitted sweater with his nipples practically popping out of the spaces in the knit. It looked real homosexual. I would pay good money to see the embarrassed look on his face again when he saw us standing there. The dudes I was with didn’t have any mercy, laughing right in front of him.
So on tour, we had to share the same dressing room with this dickhead and he was putting on an ice grill, acting like he was tough now and too big to even talk to us. Somethin had definitely changed. »

1999 est aussi l’année de la dissette dans tous les sens. Jay-Z, NAS, Cam’Ron ou DMX s’en prennent à Mobb Deep de près ou de loin pour faire leur beurre sur leur succès planétaire. Provocations qui se terminent souvent en featuring, comme quoi hein. C’est aussi le temps des mandales. Mobb Deep ne sera jamais pote avec Jay-Z, surnommé « Bozo The Clown » ou encore « Bitch boy ». Qui mène la street life, qui ne la mène pas ? C’est l’éternel débat. La sexe life elle se porte plutôt bien, Prodigy nous raconte une scène illicite entre Nas, Havoc, lui et quelques copines lubriques. Cela pourrait s’intituler: « QB gang bang ».

9. INFAMY

2001. Début de la fin ? « Infamy » est-il le pire album de Mobb Deep ? Je pense que oui. La faute à Scott Storch ? Je pense que non. Havoc change son flow puis Alchemist débarque. Personne ne le sait encore, mais c’est lui qui va en quelque sorte sauver le rap de NY du coma. Mobb Deep et 112 font un morceau qui s’appelle « Hey Luv » et Ja Rule doit ricaner. Pire, Rifkind vend Loud à Sony et Mobb Deep se retrouve petit parmi les grands. Le Southern Rap devient banquable. C’est la fin de NY et les Infamous le sont plus que jamais, rivaux à vie. On apprend aussi ce concept de fidélité extensible qui convient bien aux rappeurs, les meufs sont rebaptisées « vultures », vautours ou vampires, au choix.

10. FREE AGENTS

2003. 10 ans et déjà la compilation.

11. AMERIKA’Z NIGHTMARE

Alchemist sample « She blinded me with science » et en fait « Got it twisted » (feat Danny Trejo!). Boum. Le groupe renait. Prodigy lui, réalise le film rap Murda Muzik qui ne laisse pas une marque impérissable. Contrairement à Erica Mena, avec qui la Mobb va faire connaissance. Une période de paix n’est jamais bonne en affaire. Saigon, nouveau rappeur conquérant, s’amuse à se moquer du petit Prodigy. Mais c’est bientôt une armée qui lui fait face. Tous les coups sont permis pour défendre l’enfant prodige. Mobb Deep est au tournant de sa carrrière. 50 Cent et sa firme G-Unit veut soudain les signer. la puissance revient et NAS devenu mauvais fait la gueule. Mais puissance veut aussi dire exposition, et la Hip Hop Police montre son museau. Point d’orgue, une baston « organisée » par Shyne lors d’un concert où l’on ne sait plus qui rappe, qui est flic, qui cogne qui.

Le livre, écrit avec Laura Checkoway, contient aussi des témoignages actuels écrits en cellule:

« Prison is for losers and dumb fucks. The intelligent winners are out in the street with their freedom. Ain’t nothin’ cool or glorifying about being locked up – whoever thinks this shit gives you street credibility is a fool. All prison does is screw up your life for a short, long, or permanent period of time. My time was short. I don’t care if you say you’re innocent and got set up or if you feel your crime was justifiable, you still made some type of mistake, wrong move, did something you shouldn’t have done, or went someplace you shouldn’t have gone. Basically, you did some dumb shit and got caught slippin’. I’m not shittin’ on inmates, there are plenty or good brothers and sisters trapped in the system. I just want to make it very clear, especially for young kids, that prison is nothing to be proud of. »

12. BLOOD MONEY

2006. Argent sang et rap sale. La deuxième carrière de Mobb Deep est en plein effet. En cadeau de bienvenue sur son label, 50 Cent leur offre une Porsche chacun, merci Fifty! En businessman ultime, il ne pratique ni les drogues, ni les femmes. Et Prodigy est fasciné. D’autant que les « vultures » se sont tranformés en « hyenas » ! Les femmes blanches sont mêmes dans les clips, « Outta control« . Nicole Kidman et Lindsay Lohan sont même devenues fans de Mobb Deep. Mais quel déodorant utilisent-t-ils ? Le groupe tourne autour de toute la planète, leur avion prend feu au dessus du Chili, ils performent ensuite en Inde pour la première fois dans l’histoire du rap.

13. RETURN OF THE MAC
A 33 ans, âge du Christ, Prodigy, malade, est incarcéré à la prison de Marcy, NY. Broutille: port d’arme illégal. Peu de temps avant d’être coffré, il raconte son tête à tête avec la Hip Hop Task Force:

« Back in my cell, I went to sleep on the hard wood bench wondering if they were putting Alchemist through the same thing. About an hour later, two different detectives took me back to the same room and tried the same bullshit, staring at me with the hateful eyes. « You know what, you fucking bastards make all this money while we make crumbs and our white women turn into groupies going to your shows and hotels », one detective said, his tone sounding like he wanted to hang me on a tree branch. « I fucking hate that black rap bullshit ».
« I know what you mean, Officer, » I said. « It’s crazy because not too long ago, we did a concert at Madison Square Garden and I saw Nicole Kidman in the front row going crazy to our music. She loves rap. » The officer’s face turned bloodred.
« Take this motherfucker back to his cell! » he ordered his partner. « Get him out of my face! »


Prodigy est libre depuis 2011 après avoir purgé une peine de 3 ans et demi. Il vient de sortir un nouvel album avec son pote Alchemist intitulé, Albert Einstein !

Tout ce qui n’est pas abordé ou développé ici sera bientôt disponible dans une entrevue signée de l’intéressé. Gardez vos lunettes-vérité.

Extraits et photos: My infamous life, The autobiography of Mobb Deep’s Prodigy – Albert Johnson & Laura Checkoway (Touchstone Books, 2011)

D’autres extraits croustillants au sujet de Lindsay Lohan, 2Pac, Nas, Jay-Z ou Keith Murray: ICI.

Documenter le n’importe quoi: Mobb Deep – Infamous Allegiance DVD Part 1 / Part 2

Une playlist des premiers morceaux de Mobb Deep et Poetical Prophets, non commercialisés: ICI.

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