Une nuit à l’Echapp

Du début des années 70 au milieu des années 80, Clichy-sous-Bois fut le fief français du funk. Lorsque le son boogie a soudain déboulé en provenance de New York City, c’est à l’Echappatoire, une discothèque de Seine-Saint-Denis où sévissait un certain Milan Zdravkovic aux platines, que toutes les nouveautés de ce nouveau genre taillé pour la danse tournaient en rotation lourde, parfois quatre fois par nuit. D’abord passionné de musique, danseur puis DJ et producteur, celui qui se faisait appeler Micky Milan a vite constitué une troupe autour de lui : la bande de l’Echapp. La D.A. et future chanteuse Katia, le tout jeune François Feldman ou encore les célèbres Elegance (auteurs du tube « Vacances j’oublie tout ») faisaient tous partie du même cercle et suivaient la même philosophie : tout pour la fête, la musique et la sape. Micky Milan nous a raconté ses souvenirs de l’Echappatoire, avec ses videurs profs de math, ses nuits finissant à 9h du mat’, et ses stars fidèles chaque samedi soir.

Aux débuts de l’Echapp, période funk, on ouvrait à 20h30. Aujourd’hui, ça fait un peu cheap comme horaire ! J’en rigole moi-même. Mais c’était comme ça. Moi, j’arrivais un peu plus tard, j’avais deux assistants, j’ai toujours eu des assistants, des gens qui sont devenus mes amis, Jacky Choukroun et Didier Prince, que j’ai formé et produit (« Mélodie mélancolie », en 1984). C’était un personnage très important, tout comme Katia Soghomonian qui gérait la programmation avec moi, et plus tard François Feldman, qui venait danser depuis qu’il avait 16 ans. La queue devant la boîte commençait elle dès 19h, 19h30. On mettait doucement la musique en place. Les gens venaient tôt parce qu’à 23h, on ne pouvait plus rentrer. Quand c’était blindé, il fallait attendre que les gens partent, mais les gens ne partaient pas ! Ça foutait le bordel, les gens qui venaient de loin ne pouvaient pas rentrer, etc… C’était très sélectionné. Il n’y avait que des habitués, quelqu’un qui n’était pas habitué ne pouvait pas rentrer, c’est vachement con, mais c’était comme ça. Les gens se disaient « on ne rentrera jamais » mais en arrivant tôt, les physios les reconnaissaient « ah, vous étiez là la semaine dernière » et ils les laissaient passer.

Les videurs de l’Echapp

Parmi les videurs, il y avait les frères Mathieu, on en voit un en blouson rouge sur la piste, tout petit, c’était le plus vieux. Il y avait 6 physios en tout, c’étaient des catcheurs très connus, mais les mecs ne faisaient pas que ça, il y avait un mec qui était instituteur par exemple, c’étaient des types très intelligents, c’était pas des bœufs hein, il y avait aussi un prof de maths, carrément. C’est un peu contradictoire par rapport à certaines discothèques de l’époque, c’était vraiment à part, il fallait qu’ils reconnaissent les gens. Il y avait aussi l’entée VIP derrière, ils avaient leur salle où les gens ne pouvaient pas rentrer. Malheureusement, j’ai perdu toutes les photos que j’avais de cette salle. On y voit Prince en train de danser, Delegation, Imagination, Jimmy Somerville, etc… Tous les week-ends les stars étaient là, avec la direction de CBS, que j’envoyais un peu chier, parce que je n’avais pas le temps de tester toutes leurs nouvelles sorties à longueur de soirée. Ils venaient pour voir comment les gens réagissaient aux nouveautés. Moi j’avais un deal : aucun des artistes internationaux qui passait à l’Echapp n’était payé. C’était une forme de vitrine, comme NRJ ou autre. Quand je décidais de passer un disque, je le passais en général trois fois dans la soirée. Je marchais au coup de cœur, comme sur Hamilton Bohannon ou Sylvester, qui est venue deux fois, ou Mike Antony, j’adorais ce mec, il venait quasiment tous les week-ends de Bruxelles.

Aujourd’hui, Clichy-sous-Bois est vue comme une zone sensible, mais j’avais l’impression que tout le monde habitait dans le coin à l’époque. Marvin Scott habitait en face de l’Echapp, au deuxième étage de l’immeuble, et François Feldman habitait au 4ème. Et René Parker habitait là aussi, c’était un pilier, un très bon ami, il a été précurseur avec son groupe, le Royal Show, puis ensuite avec Hurricane Fifi. C’était très dur de vivre de son métier, mais pour te dire à quel point cette époque était folle, un jour René, qui avait acheté une Jaguar 3,8L avec l’argent des galas, surpris par l’arrivée de l’hiver, l’a tout simplement échangé contre une moumoute ! Aujourd’hui tu racontes ça à quelqu’un, il te dit « c’est pas possible ! »

Micky Milan & Marvin Scott

La clientèle de l’Echapp venait de Paris, Rouen, Orléans, Chartres, le bouche à oreille a tellement fonctionné à partir de 1975 que les gens venaient de partout. Il y a même des patrons de boîte qui ouvraient la semaine et me demandaient de venir y jouer. C’était une clientèle « street » comme on dirait aujourd’hui, urbaine, les gens ne se posaient pas de question, tu travaillais toute la semaine et tu mettais toutes tes thunes dans la sape et la musique. Il te restait pas un rond, mais t’en avais rien à foutre. C’était vraiment ça. C’est ce que j’ai toujours défendu : la passion et le rêve. A aucun moment, l’argent n’avait d’importance. Pour certaines personnes oui, mais à cette époque, tu ne pouvais pas croire qu’un jour ça allait changer. Chaque week-end, tu allais t’éclater sur de la musique que tu n’entendais pas partout ailleurs.

Ello & Jacni

Les gens qui étaient là tous les week-ends étaient des passionnés. Personne ne savait qui ils étaient, mais ils étaient juste là, derrière le poteau, chaque vendredi et samedi. Paco Rabanne était là tous les week-ends aussi, il s’occupait de chaque défilé de mode. Pour lui, la black attitude, c’était très important. Il aidait beaucoup le peuple black, ses danseurs, le chorégraphe américain Gérard Wilson travaillait également pour lui (on peut le voir torse nu sur la piste). Il faisait passer des danseurs différents tous les week-ends, et quand il pensait qu’ils avaient la stature pour passer la phase suivante, il leur payait les cours aux États-Unis, afin qu’ils deviennent professionnels. Et ça ça a duré pendant 5 ans, tous les week-ends. Yves Mourousi, dès qu’il ne partait pas quelque part, était lui aussi là tous les week-ends.

Micky Milan & Yves Mourousi

Quand je commençais mon set, c’était toujours sur un tempo très lent, sur du Marvin Gaye ou autre, et en allant toujours plus haut. Toujours avec un beat de plus en plus fort. Une fois que tu arrives à l’explosion, c’est à dire le délire, là tu lances les slows. Dans la soirée, tu avais 4 séries de slows environ, toutes les 1h30/2h. La boîte commençait à se vider à partir de 6h du matin, et là tu avais une nouvelle clientèle qui arrivait. Et tu étais obligé de rester jusqu’à la fin, parce que le patron était un casse-pied ! Comme il arrivait à 6h, même s’il restait 30 personnes, il ne voulait pas fermer, ce n’était pas une question d’argent, mais une question de principe. Donc habituellement, ça fermait à 9h30/10h. Si t’avais pas d’assistant ça pouvait pas durer ! Ça dansait et ça dansait, bien sûr plein de gens tombaient malades, certains allaient vomir, etc. Ce qui était bien, c’est que dans les allées, tu avais des hôtesses qui se baladaient avec des bonbons, et elles en donnaient sans arrêt aux gens, et dès que quelqu’un n’était pas bien, elles faisaient signe aux videurs, qui les amenait dehors, c’était vachement cadré en fait ! Les gens venaient SURTOUT pour la musique et pour danser, il y avait des concours de danse toutes les semaines, le groupe que j’ai produit, Gay Men, en avait gagné plusieurs d’ailleurs.

Les danseurs de l’Echapp

En général, les artistes étaient là assez tôt, entre la loge et l’espace VIP, et je les faisais passer le plus tard possible, vers 3h du matin. L’animation et les danseurs débutait dès minuit par contre. Il y avait trois salles, et dans chacune, il y avait un espace pour les danseurs, vu que c’était blindé, je leur avais aménager des estrades avec des glaces autour, afin qu’on puisse les voir. J’insistais beaucoup sur le fait qu’ils dansent partout, dans les escaliers, les allées, le truc taré quoi ! En plus de ça, ils avaient un côté comédien et Paco Rabanne leur donnait des cours dans ce sens. Il leur payait leur salle d’entraînement, c’étaient des gens qui s’entraînaient de 4 à 10h par jour et leur salle d’entraînement est ensuite devenue l’Echapp, toute la semaine. Je leur avais mise à disposition du lundi au vendredi, avec Gérard Wilson, leur chorégraphe.

Les platines me prenaient beaucoup de temps parce que j’aimais bien préparer mes sets mais je m’occupais aussi de tout le reste, tout ce qui était grain de folie c’était moi, je donnais un nouveau thème toutes les semaines. Après, j’avais plus de limites ! Et pour me surprendre je ne savais plus quoi faire, c’est pour ça qu’un jour j’ai arrêté, parce que je ne voyais pas ce que je pouvais faire de plus… J’ai fait rentrer des tigres, j’ai tiré des feux d’artifices à l’intérieur, que des trucs de tarés.

Défilé Paco Rabanne

Mes meilleurs souvenirs ? Il y en a beaucoup. Quand Paco regardait ses danseurs avec les yeux grand ouverts, il se planquait derrière un poteau, personne ne l’a jamais reconnu, et ça m’a toujours surpris, il ne voulait même pas que eux le voient, ce génie. Ce qui m’a marqué énormément, c’est quand Prince a balancé son verre dans la foule. Je passais des titres et à un moment je lui ai dit « Viens ! Y’a des gens qui ont envie de danser avec toi, y’a Titi et Momo », qui étaient les danseurs de Wilson et Paco, ils voulaient faire un show avec lui et ça a été fantastique. Il était bourré, il a tout jeté, a fait un grand saut et s’est mis à danser ! Inoubliable. Et puis Mike Anthony qui m’a fait pleurer, j’ai eu la fièvre quand il a chanté « Why Can’t We Live Together » avec sa grosse voix. Kid Creole & the Coconuts m’ont marqué aussi, ils se sont défoncés ce soir-là. Mais en général, quand des groupes américains passaient, ce n’était pas important pour moi, vu qu’il y en avait quasiment toutes les semaines.

Micky Milan & Jean-Luc Lahaye

Quand les artistes jouaient, ils voulaient chanter une heure ou deux, mais moi je les faisais jouer un titre et hop ! Ils étaient frustrés, mais moi je n’étais pas là pour faire de « la scène », je voulais juste que les clients s’éclatent. Prince, ça ne lui a pas plu, il a beau s’appeler Prince, bah non ! Il se passait un truc toutes les semaines de toute façon. Tout le monde venait pour s’é-cla-ter. C’était la fête, non-limite, tout le temps. Tout était naturel. On ne s’embêtait pas avec les gens qui manquaient d’identité, moi ce qui m’intéressait c’était de ne pas tricher. Ce n’est pas parce que c’était un copain, que j’allais le faire passer ou quoique ce soit, j’ai toujours marché au coup de cœur, à l’âme, les choses qui n’ont pas d’âme, je vois pas l’intérêt.

Patrick Hernandez, « alive .

Il n’y avait jamais de drogues, par contre l’alcool oui, moi je devenais fou au whisky-coca, et pourtant, je faisais de la compétition de tennis. Les danseurs aussi étaient des athlètes de haut-niveau, ils avaient atteint un niveau de danse que tu ne pouvais voir qu’à l’Echapp. Et tout s’est fait par hasard, j’aurais pu faire comme les autres ensuite, faire venir des danseuses topless et tout ça, mais je n’ai jamais fait ça. J’aime bien le côté sexy, classe, fashion, mais je n’aime pas le vulgaire. Si un mec voulait faire son délire avec qui que ce soit et bien il y allait, il n’y avait pas de limite, c’était un peu Woodstock. Le public était tellement nature, il n’y avait rien de choquant, c’était l’époque du bon goût naturel, tout était permis. Il n’y avait jamais rien de grave, c’était l’euphorie des soirées…


LES CLASSIQUES DE L’ECHAPP

BRAZIL AMOR – « Quando tu danças »

Je venais de quitter Salsoul Records avec qui j’avais sorti « Quand tu danses » et un soir, David Christie est venu jouer à l’Echapp, une super rencontre. Il m’a ensuite signé sur son label, Savoir-Faire, et sa branche Champagne Records. C’est à ce moment-là que j’ai publié « Quando tu danças », la version brésilienne de « Quand tu danses », qui a beaucoup plu et que je trouve encore meilleure. J’ai ensuite sorti sur le même label « Champion » et un slow qui s’appelle « Les ailes du rêve ». Aujourd’hui, je reçois des dizaines et des dizaines de messages à travers le monde de personnes qui me demandent « Quando tu danças » pour le compiler. Mais je ne le donne à personne. Plein de gens m’ont toujours demandé mes anciens titres, mais qu’est ce que j’en ai à foutre ? C’est pas mon kif. Je ne cherche rien, encore moins l’argent, je marche au coup de cœur et à la passion. Et souvent, je travaille autour du même titre, je l’ai fait il y a 20 ans, et puis je l’ai retouché il y a 10 ans et encore maintenant, bref, je tourne toujours autour de mes titres. La seule fois où j’ai voulu le faire, j’ai été déçu. C’était sur Pépites des discothèques vol.1 & 2, que j’avais confié à mon ami Didier Prince, deux compiles ratées qu’on pouvait trouver dans des hypermarchés mais que j’ai fait retirer depuis.

GAY MEN – « I’m a Man »

Gay Men était numéro 1 des clubs en France. C’était de la folie, au bout de 15 jours, la communauté gay a repris le truc, au Palace, la folie. D’ailleurs, les mecs ne se sont pas trompés, Pierre Forgacs, qui a monté ensuite un label qui s’appelle Happy Music, avait craqué dessus, et il l’a fait devenir n°1. C’était une des premières référence de Starnight Records, qui avait déjà sorti « Walkman » de Kasso. Moi j’ai fait ce titre en tant que compositeur et producteur, mais si tu me demandes ce que j’en pense sincèrement, ça ne me plaisait pas. J’ai fait 3 titres pour eux, et celui que j’adore vraiment c’est « Standing Up », avec « Sad Situation » en face B. Le premier j’aimais pas du tout, je l’ai fait parce qu’il y avait une demande de la communauté gay, ça été très rapide. Quand je le mettais à l’Echapp, un truc fort se passait mais alors « Standing Up », je le passais 3 ou 4 fois dans la soirée, et la demande était énorme. C’était une des plus grosses ventes de Champs-Disques. Même s’il n’a pas été n°1, contrairement à « I’m a Man » qui dépassait le stade de la musique et qui abordait plus la réalité, la vie de la communauté, qui se reconnaissait à travers le titre. « Sad Situation », on me l’a demandé pour une compilation canadienne il y a une semaine, mais je ne donne plus rien !

MICKY MILAN – « C’est une bombe »

Mes deux singles, « Quand tu danses » et « C’est une bombe », avaient beaucoup de succès évidemment, puisque les gens venaient aussi pour moi à la boîte. Pour « C’est une bombe », je savais exactement ce que je voulais au moment de l’enregistrement, j’étais influencé par les Johnson Brothers et j’avais dit à mon bassiste et à François Feldman : « Voilà le break de basse et le groove que je veux ». Et voilà ce que ça a donné. Il y a des versions que personne n’a jamais entendues de ces titres. Je passais notamment un (dub maxi) de « Quand tu danses » qui n’est jamais sorti.

FF YELLOWHAND – « You Want Every Night »

En trucs français, je passais François Feldman et son groupe bien sûr, qui ne marchait pas du tout ailleurs, mais qui cartonnait chez moi. Parce que les paroles étaient en français, « y’a pas d’malaise ce soir » etc. J’ai aussi des remixes de ces titres, que je n’ai jamais donné à personne, que je passais à l’époque, 3 ou 4 fois par nuit. Je prépare toujours bien mes sets, je ne fais jamais rien par hasard, je contrôle tout ce que fais, au niveau goût et connaissance. Mais il y a un truc en moi que je ne contrôle pas, c’est la folie, et elle peut se déclencher à tout moment, ma force elle est là. Je regarde toujours ce qui se passe en face. Il paraît que j’ai une capacité de réaction ultra rapide, à la seconde près. Je pouvais tout d’un coup glisser deux minutes de Beethoven entre deux morceaux que j’aimais, et les gens se demandaient d’où ça venait. Quand j’ai envie de faire les choses en grand, tout est possible.

LE CLUB – « Un fait divers et rien de plus »

Une nuit, mon ami compositeur et producteur Michel Eli arrive vers 5h du mat’ et me demande de tester l’échantillon de sa dernière production, Le Club. Je l’ai fait et je n’ai pas été déçu, je l’ai rentré aussitôt dans ma programmation. Je me souviens de « Cargo » d’Axel Bauer aussi, que Michel a produit, oh la la, quand le son est arrivé, putain ! CBS et les maisons de disques arrivaient dès 20h, pour que je leur dise ce que je pensais de leurs produits, après, une fois dans ma folie, je ne voulais pas qu’ils m’embêtent. J’étais odieux avec les gens autour de moi quand j’étais aux platines, je n’aimais pas qu’on me parle, même François, tout le monde, je rentrais dans mon truc, et quand je suis concentré, je suis comme ça.

ROD – « Just Keep On Walking »

Katia me demande un jour de venir écouter sa nouvelle recrue et de lui dire ce que j’en pense. Au bout d’une minute, je lui ai dit « stop », en lui demandant de me faire venir l’artiste dès le vendredi suivant. Un régal… Non seulement le titre a plu mais l’artiste groovait et dégageait un truc ! J’ai aussitôt dit à Katia que c’était un n°1. Ce que j’ai vu chez ROD, chez Prince, chez Mike Anthony aussi, en plus du rendu de leur titre : ils avaient un putain de charisme naturel. L’Echappatoire était leur seconde maison, ils connaissaient les retombées en termes de ventes chez Champs Disques quand un disque marchait à la boîte, et ils venaient s’éclater sur mes sons au même titre que la clientèle.

BILLY OCEAN – « Are You Ready » / « Stay the Night »

Pour celui-là, je passe l’échantillon avant les commandes, la face A et la face B, et je me dis « c’est pas possible ». Peu importe la face, c’est le carton assuré. C’est très rare d’avoir deux faces aussi bonnes sur un même vinyle. Je passais deux fois les deux faces chaque soir, et les gens s’éclataient comme jamais. C’était pareil avec d’autres tubes funk américain comme « On the Beat » du BB&Q Band, « Is It In » de Jimmy Bo Horne ou « Let’s Start II Dance Again » de Hamilton Bohannon  : du délire de chez délire. Il n’y avait tellement plus de place sur la piste que les gens dansaient dans les escaliers, dans les WC, un truc de taré. J’ai vraiment adoré ces morceaux et ces artistes, et quand j’aimais un titre, j’étais sûr d’en faire un top.

MARVIN GAYE – « Sexual Healing »

Je démarrais toujours avec ce titre. Les gens adoraient. Je commence toujours mes sélections en restant cool. Pour les sessions slows, je l’utilisais aussi, ainsi que « Je t’aime » de Serge Gainsbourg, mais selon mon humeur, je le mettais au beat que je voulais. Je mettais d’abord l’originale, les gens s’éclataient, et puis après je le mettais au tempo R&B, je l’accélérais un petit peu. J’ai beaucoup aimé sa période 70, « Les Petits papiers », ses reggae aussi, mais sa période black, pour être honnête, je n’ai jamais aimé. Mes deux slows marchaient grave aussi, « Tu m’as usé », que j’ai fait avec les trois choristes américaines de Feldman, Joniece Jamison, Yvonne Jones et Carole Fredericks, il était n°1 en club. J’ai aussi fait « C’est pas la peine », et puis « Visa ». Dans les titres français, je mettais aussi le morceau de Kelly Way, « Illusion », qui était mannequin chez Yves Saint-Laurent, et dont le fiancé était éclairagiste à l’Echappatoire. Il y avait beaucoup de gens de la mode.

HARRY THUMANN – « Underwater »

Quand j’achetais pour le magasin Champs Disques, ça arrivait en 2/3 exemplaires, personne ne les connaissait, on était les premiers à les découvrir. Il y a beaucoup de trucs que j’allais aussi chercher à Londres, et je ne te dis pas comment ils étaient déjà puants les disquaires de là-bas, aujourd’hui ils le sont toujours mais à l’époque, c’était pire ! C’est simple, les mecs ne te répondaient rien, ils voulaient te donner aucune info sur rien, la date de sortie, le chanteur, etc, résultat, je repartais avec 300 vinyles et j’en jetais 250. C’est dingue. Par contre, parmi les 50 qui restaient, j’avais des pépites que même aujourd’hui on ne retrouve plus. En général, je m’aperçois que tous les titres que j’aime et que j’aimais, c’est ce que les gens essaient de passer en soirée. Par exemple, un des types du groupe Horse Meat Disco m’a demandé un morceau et je leur ai donné le titre, « Underwater ». Et j’ai vu qu’ils l’avaient repris dans un mix, c’est le générique que je passais toujours en boîte, et que je passe encore d’ailleurs, ça a une ampleur énorme, et c’est moi qui l’ai découvert, j’étais le seul à le passer. Je ne sais pas si j’ai bien fait de leur donner, j’aurais peut-être pas dû. Mais bon, je pense toujours bien faire, je suis comme ça…

Deux articles initialement parus sur RBMA en 2017, en complément de celui de VICE en 2015.

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