« L’économie de la réputation est un autre exemple de l’affadissement de notre culture, même si l’application de la pensée unique sur les réseaux sociaux n’a fait qu’accroître l’anxiété et la paranoïa, parce que ceux qui approuvent impatiemment l’économie de la réputation sont aussi, bien entendu, les plus effrayés. Que se passerait-il s’ils perdaient leur plus important – sinon unique – actif ? C’est un autre rappel inquiétant du caractère désespéré, financièrement, de la situation des individus et du fait que le seul instrument dont ils disposent pour s’élever dans l’échelle économique est leur réputation étincelante d’optimisme avec sa fausse surface sans défaut – qui ne fait qu’ajouter à leur inquiétude incessante, leur besoin continuel d’être aimé, aimé, aimé. Ce que les gens semblent oublier dans ce miasme de faux narcissisme et dans notre nouvelle culture de l’étalage, c’est que l’autonomisation ne résulte pas du fait d’aimer ceci ou cela, mais plutôt du fait d’être fidèle à notre moi contradictoire et chaotique – qui implique en fait, parfois, de haïr.
Il y a des limites à la mise en valeur de vos atouts les plus flatteurs puisque, en dépit de la sincérité et de l’authenticité que nous croyons posséder, nous ne faisons encore que manufacturer une construction de nous-mêmes destinée aux réseaux sociaux, quelle que soit la précision qu’elle a ou semble avoir en réalité. Ce qui est effacé, ce sont les contradictions inhérentes à chacun de nous. Ceux d’entre nous qui révèlent des failles et des inconsistances ou formulent des idées impopulaires deviennent terrifiants pour ceux qui sont pris dans le monde du conformisme d’entreprise et de censure qui rejette celui qui s’entête, celui qui est réfractaire, afin de mettre tous et chacun au diapason d’une harmonie inspirée par un idéal qui appartient à un autre. Très peu de personnes veulent être uniquement négatives ou difficiles, mais qu’en serait-il si ces qualités étaient liées à ce qui est véritablement intéressant, fascinant et rare – ne pourrait-il pas y avoir alors une réelle conversation ? Le plus grand crime perpétré dans ce nouveau monde est l’éradication de la passion et la réduction au silence de l’individu. »
The reputation economy is another instance of the blanding of our society, even though the enforcement of groupthink in social media has only increased anxiety and paranoia, because those who eagerly approve of the reputation economy are, of course, also the most scared. What happens if they lose what has become their most—if not only—valuable asset? This is another ominous reminder of how financially desperate people are, and that the only tool they have to raise themselves up the economic ladder is their sparklingly upbeat reputation with its fake flawless surface—which only adds to their ceaseless worry, their endless need to be liked, liked, liked. What people seem to forget in this miasma of false narcissism, and in our new display culture, is that empowerment doesn’t come from liking this or another, but from being true to our messy contradictory selves—which sometimes does, in fact, mean being a hater.
There are limits to showcasing your most flattering assets because, despite how genuine and authentic we might think we are, we’re still just manufacturing a construct for social media, no matter how accurate it actually is or appears to be. What gets erased are the contradictions inherent in all of us. Those of us who reveal flaws and inconsistencies or voice unpopular ideas suddenly become terrifying to the ones caught up in a world of corporate conformity and censorship that rejects the opinionated and the contrarian, corralling everyone into harmony with somebody else’s notion of an ideal. Very few people want solely to be negative or difficult, but what if those exact qualities were attached to the genuinely interesting, compelling and unusual—and couldn’t there then be a real conversation? The greatest crime being perpetrated in this new world is that of stamping out passion and silencing the individual.
White, Breat Easton Ellis, 2019.
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