Réappropriation !

« …je voudrais une nouvelle fois m’arrêter sur ce stéréotype de la réappropriation de la cité, véritable psittacisme que les nervis dada de la Mairie de Paris, mais pas seulement eux, ont sans cesse au bec. Récemment, dans un quotidien, on parlait d’inciter les gens à « se réapproprier les points d’accès public à l’Internet sans fil », c’est-à-dire le réseau wi-fi, comme si quelque chose qui vient seulement d’apparaître pouvait déjà avoir été méchamment dérobé et qu’il fallait partir à sa reconquête. Qu’est-ce que c’est que cette affaire de réappropriation générale et de réappropriation de Paris en particulier ? Qu’est-ce que c’est que cet impératif catégorique et onirique selon lequel la ville aurait une finalité en soi et qu’il faudrait se la réapproprier à tout prix ? Qu’est-ce que c’est que ce « il faut » ? Ce « tu dois » ? Qu’est-ce que c’est que ce mot d’ordre ? Qu’est-ce que c’est que ces travaux forcés de la réappropriation ? Et si je ne veux pas me réapproprier la ville, moi ? Et si ça ne m’intéresse pas du tout ? Il y a mille choses à faire, dans une ville, plutôt que de se la réapproprier. Et d’abord, quand est-ce qu’elle a été appropriée ? À quelle époque ? Et quand a t-elle été désappropriée ? Quand a commencé la castration ou le refoulement dont on devine le fantasme sous-jacent dans ce syntagme empaillé qui n’arrête pas de sortir comme un serpent mort de la bouche du Maire de Paris ? »

Festivus festivus, Philippe Muray, 2005.
Légende : Réinventer Paris.

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