La fin de l’Église

« Si les fautes de l’Église ont été nombreuses et graves dans sa longue histoire de pouvoir, la plus grave de toutes serait d’accepter passivement d’être liquidée par un pouvoir qui se moque de l’Évangile. Dans une perspective radicale, peut-être utopiste ou, c’est le moment de le dire, millénariste, ce que l’Église devrait faire pour éviter une fin sans gloire est donc bien clair: elle devrait passer à l’opposition, et pour passer à l’opposition, se nier elle-même. Elle devrait passer à l’opposition contre un pouvoir qui l’a si cyniquement abandonnée en envisageant sans gêne de la réduire à du pur folklore. Elle devrait se nier elle-même, pour reconquérir les fidèles (ou ceux qui ont un « nouveau » besoin de foi) qui l’ont abandonnée justement à cause de ce qu’elle est.

En reprenant une lutte qui d’ailleurs est dans sa tradition (la lutte de la papauté contre l’empire), mais pas pour la conquête du pouvoir, l’Église pourrait être le guide, grandiose mais non autoritaire, de tous ceux qui refusent le nouveau pouvoir de la consommation, qui est complètement irreligieux, totalitaire, violent, faussement tolérant et même, plus répressif que jamais, corrupteur, dégradant (jamais plus qu’aujourd’hui n’a eu de sens l’affirmation de Marx selon laquelle le Capital transforme la dignité humaine en marchandise d’échange). C’est donc ce refus que l’Église pourrait symboliser, en retournant à ses origines, c’est-à-dire à l’opposition et à la révolte. Faire cela ou accepter un pouvoir qui ne veut plus d’elle, ou alors se suicider. »

Écrits corsaires, Pier Paolo Pasolini, 1974.

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