Les années 80 ?

« Économie, Religion, Snobisme, Anti-Sémitisme bon enfant, Faux Classicisme, Réactionnariat sublimodernisé, Rétro-Chic, Photo, Vidéo, Propreté, Arrivisme, Sport, Froideur, Ennui, Fadeur, Égoïsme, Collection, Sympathie, Solidarité, Gaspillage… Des broutilles, je vous dis ! On n’a encore rien vu ! Lentement, doucement, les esprits se laissent glisser vers une griserie du modernisme, un Progrès «in Progress» extrêmement sournois. Il est temps aujourd’hui, où se sont déclarés tous les nouveaux poncifs, de chier définitivement cette génération, cette culture et ces quarterons de chiens, débiles distingués et déguisés qui occupent l’avenir. D’un utopisme ridicule, politique, athée, sympa, porno, plébéien, sale, brouillon, écologiste dont les derniers bastions sont occupés par les effrayants punks de la dernière heure, les espératifs déglingués, les patients du Grand Soir qui ne font plus peur à personne et qui ont au moins le bénéfice de la voyoucratie, révoltés timides et expansifs qui se croient nihilistes – de cet idéalisme donc que, pour ma part, j’exècre, mais que je ne condamne pas, nous sommes passés à un Arrivisme inqualifiablement salaud, économique, biblique, dur, sans aucune sensualité, bourgeois, propre, arrogant, technique, encore plus inadmissible. Il n’y a rien de pire que ces nouveaux métiers grâce auxquels vivent les plus grandes crapules de la «Démocratie». Ils sont fiers tous ces magouilleurs, ces débrouillards, ces enculeurs par-devant !

[…]

Soyons précis! Montons une liste de toutes ces professions où il ne peut pas y avoir UNE SEULE personne valable, et dont le développement et la séduction entraîneront sans plus tarder l’extinction bien méritée de tout intérêt possible pour la race humaine. Ô Fonctions inadmissibles dont les carnes feront tous les irremboursables frais !… Promoteurs immobiliers ! Agents de publicité ! Agents de Change ! Public Relations ! Graphistes ! Cadres en tout genre ! Conseillers Artistiques ! Critiques d’Art ! Informaticiens ! Architectes ! Producteurs ! Statisticiens ! Journalistes ! Designers ! Psychanalystes ! Assistantes sociales ! Dessinateurs de Bandes Dessinées ! Chanteurs de Variétés ! Speakers ! Secrétaires d’État ! Sponsors ! Restaurateurs ! Banquiers ! Examinateurs ! Multi-Médiaistes ! Proctériens ! Allez ! Tous au Vél’d’hiv ! Et que ça saute ! — Mais il en faut, monsieur ! Justement non, il n’en faut pas. Quand je pense que la plupart des génies de tous les temps se sont laissés traiter d’«inutiles», alors qu’on laisse croire de nos jours à l’efficacité, l’indispensable présence de toutes ces raclures infâmes !… C’est le comble ! Ah ! quel régal ce serait de tous les envoyer braire dans des gazons de dégueulis, qu’on les humilie à leur tour, pour qu’ils voient ce que c’est que d’être de l’autre côté de l’anus ! Que de poubelles à créer, je vous assure ! Rien que dans le Show-Business, l’Informatique ou la Publicité ! Des charniers à organiser ! De quoi occuper tous nos petits Eichmanns punkies ! Vocations comblées pour les zonards sadiques ! A l’œuvre, frimousses ! »

Au régal des vermines, Marc-Édouard Nabe, 1985/2012.

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