Les Ritals

LE SUD C’EST PAS L’ITALIE

« Rome, à la rigueur, bon, il y a le pape, il y a le roi… Quoique, ces deux-là, ils auraient pu se donner la peine de monter un poil plus haut, jusqu’à Milan, par exemple. Mais encore plus bas, c’est chez les Marocains. Des petits merdeux tout noirs, tout frisés, la peau verte, l’œil de rat, menteurs, voleurs, feignants, baiseurs de leurs sœurs, maquereaux de leurs mères, pédés, mangeurs de saletés pourries, planteurs de couteaux dans le dos, parleurs tellement vite que t’entends rien, de toute façon même si t’entendais tu comprendrais pas, c’est pas de l’italien, c’est rien du tout, une langue de sauvages, et ils se comprennent même pas entre eux, ils sont obligés de causer en même temps avec leurs mains, comme les singes, tellement vite que tu les vois même pas. Les Ritals crachent de mépris tout en jetant un oeil par-dessus l’épaule, des fois qu’un Napolitain serait là, juste derrière, avec son couteau. « Si que zé sarais oun Napolitain, z’arais tellement vonte que zé sortirais zamais dans la roue, zamais ! »

S’ils savaient les bonnes grosses têtes, que pour les Français, Nord ou Sud, pas de détail, tous les Ritals sont des singes, des noireaux, crépus joueurs de mandoline ! Des fourbes, des sournois, des feignants, des rigolos pas sérieux, des excités, des parlants avec les mains ! Ca leur foutrait un coup oui aux Grands Ritals ! Ils ont beau être là, devant toi, massifs, placides, taciturnes, plus grands que la plupart des Français avec leurs yeux bleus ou verts, leurs tifs châtain clair, ou blonds, ou rouquins souvent, leur lourde mâchoire, leur nez puissant, ils ont beau être là, rien à faire, t’as beau les regarder de bas en haut, t’as dans la tête que c’est des Ritals et que des Ritals c’est petit noir frisé, tu les vois petits noirs frisés. Un Rital pas comme ça, en admettant qu’il en existerait, ça serait une exception. Si tous les Ritals ont un mètre quatre-vingts et les yeux bleus, tous les Ritals sont des exceptions. Et paf.

J’ai vu des films américains, au ciné. Eh bien, quand il y a un Français dedans, il est petit, brun, frisé, il a des petits bacchantes de garçon coiffeur, il s’agite comme un singe, il parle à toute berzingue, toujours avec les mains, et il est le pauvre con ridicule qui croit se faire la fille mais que le grand beau cow-boy balance à la fin dans le baquet d’eau sale, ou alors il est le traître latin pourri qui va crever comme un dégueulasse avec un mauvais rictus, bien fait pour sa gueule. Ça veut dire que pour les Ricains, pour les Anglais, pour les Boches, les Français sont exactement ce que sont les Ritals pour les Français et les Napolitains pour les Ritals: de la sous-race, des singes, de la merde. Chacun a de la merde en dessous de soi. Quand un Français pense aux Ritals, il se sent grand fort costaud plein de dents en or comme un Ricain. »

ET LE PARMESAN ?

« Le geste de saupoudrer le parmesan est un des gestes les plus majestueux qui soit.
Un geste de seigneur.
Réveillée d’un seul coup par la chaleur de la soupe, l’odeur du parmesan me saute aux narines, plein la tête. Odeur femelle, puissamment, peut-être que c’est une idée que je me fais, enfin, bon, c’est comme ça, la première bouffée de parmesan ça sent la tribu, le ghetto, le paquet de chiots, la famille serrée peureuse, l’aisselle de femme opulente, l’aigreur de petit-lait de la mère qui allaite, la culotte de petite fille qui a couru tout l’après-midi et à qui on n’a pas appris à s’essuyer la dernière goutte, quelque chose d’animal, d’intime, et chaud, et fort, et rassurant. »

Les Ritals, François Cavanna, 1978.
Légendes: Pasqualino Settebellezze, Lina Wertmüller, 1975.

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