Michael Winner aux USA (1971-1974)

« A team effort is a lot of people doing what I say. »

Avant de devenir le prince de la répartie implacable et incorrecte, Michael Winner s’est fait remarquer grâce à des comédies anglaises plus ou moins légères, à la mode du Swinging London des années 60, menées tambour battant par son premier acteur fétiche: le grand Oliver Reed. Leur dernière collaboration, Hannibal Brooks en 1969, mélangeant aventure, seconde guerre mondiale et film animalier, attire l’attention d’Hollywood. L’année d’après il y file diriger son premier film américain:

LAWMAN (1971)

D’entrée, Winner met les testicules sur la table en employant Burt Lancaster dans un rôle d’homme-loi, mi-marshall, mi-chasseur de prime au cœur glacé, qui remplit toujours ses contrats, coûte que coûte. Les italiens se prennent bien pour John Ford, alors pourquoi pas un anglais. Maddox, avec Sheree North dans les pattes, puis l’appui du shérif local (Robert Ryan), va mettre à mal la famille de Lee J. Cobb qui a main mise sur la ville, et notamment un Robert Duvall tout jeune qu’il va faire gambader dans les plaines. Le final ultra pessimiste pose les jalons du style Winner.

Hum.

Bernard Maddox ?

« C’est moi enculé. »

« Seul Moi peut me juger. »

« Perdu pour perdu. »

CHATO’S LAND (1972)

Deuxième western avec l’entrée en scène de son second acteur fétiche, Charles Bronson, qui joue ici un peau-rouge, pourquoi pas. Les rôles d’outsider lui scient à merveille. « Il tue pour se venger! » Venger le viol/meurtre de sa femme et de son enfant, assassinés par la bêtise des pionniers. Raciste, comme tous les westerns, cette chasse à l’homme désertique et désorganisée donne l’occase à Ezra Pound de pousser un magistral coup de gueule non pas contre l’usure mais contre ces américains lâches et injustes:



THE MECHANIC (1972)

Bronson toujours, ici cobaye dans cette étude minutieuse de la vie d’un tueur professionnel. Les 15 premières minutes sans aucun dialogue sont magistrales. Technique, routine, solitude et passage de flambeau. Bishop est en pré-retraite et sa jeune recrue à la soif d’apprendre et au toupet sans gêne n’est autre que Jan Michael Vincent, cet acteur au sourire trop large et à la blondance arrogante. Le sous-texte homosexuel du maître-élève est tout juste dissimulé et le film, à la fois dur et atmosphérique, permet de retracer un panorama de toutes ces activités d’hommes virils et sûrs d’eux que l’on peut pratiquer à deux:

« Qu’est ce que j’vais faire de tous ces deniers? »

Kill books.

« Une détonation ? Non, j’ai rien entendu. »

« Ça s’est nettement rafraichi n’est-ce pas? »

Chapeaux, ballons et ananas.

LA RENCONTRE.

Jeu de séduction en avion.

Break Dance !

« Il est pas beau mon Bosch ? »

« Tu sais t’y prendre avec les gros calibres petit »

Week-end à Naples.

Pipe et puzzle.

Ça va, j’arrête.

SCORPIO (1973)

Comme dans Le Flingueur, Scorpion fait partie de ces films en équilibre sur la fine corde qui sépare un polar sombre et nihiliste d’un ratage involontairement risible (avec en plus l’handicap du thriller politique lourd). Cross aka Burt Lancaster again est un ancien de la CIA qui est suspecté de collaborer avec l’ennemi soviétique. Alain Delon (aka Jean Laurier ahah), agent en free-lance sans numéro de Siret et vieil ami de Cross est dépêché sur le terrain pour le supprimer. C’est sans compter sur l’amitié franche et virile qui unit les deux hommes et qui va décider du sort de la cible. Mais, le cache-cache va t-il résister à la puissance bureaucratique et à l’alignement des billets verts ? Winner conclue ça encore avec couilles.

« Bah quoi? »

« Tu te fouterais pas un peu de ma gueule? »

La boîte qui travaille pour Alain Delon.

Burt Lancaster grimé en noir pour passer à l’aéroport. Même les vrais noirs en restent crédules…

« Sympa l’intimité les gars. »

Le Balafré, prequel.

« Putain, on se fait quand même chier à Vienne. »

Cheers !

THE STONE KILLER (1973)

Entre Dirty Harry et Death Wish il y a Le Cercle Noir. Noir pas rouge, Bronson n’est pas Bourvil. Transféré à Los Angeles, Lou Torrey est chargé d’enquêter, et plus si affinités, sur la mafia sicilienne qui fait la pluie et surtout le beau temps dans la ville. Des gros pare-chocs, des coups de tatanes, un jouer de saxo psychopathe, des hippies, de la course à pied… un peu tout ce qui fait que même un polar pourri (et son parfum d’interdit) des années 70 comme celui-ci reste agréable à regarder.

« Je reviens te chercher dans 2 heures. »

« Le tueur en Instagram. »

Et soudain, un nain.

« Tu vois cette bottine ? »

« Me raconte pas de salades meuf. Et dis moi où est cette teuf. »

Le jeu des 7 différences, en transe.

Intraduisible.

DEATH WISH (1974)

Et un justicier dans la ville arriva. Le plus gros succès de Winner et Bronson réunis met en exergue les peurs et fantasmes de l’Amérique à travers la croisade d’un architecte libéral poussé vers le crime après le viol/meurtre de sa femme. Insécurité, maniement d’armes, auto-défense. C’est une réponse citadine à Chato’s Land et à la grande différence que Paul Kersey n’est plus vraiment une minorité. Se heurtant à l’incompréhension de ses proches et à l’impuissance de la police, il décide de se faire justice lui-même et créé un style de « film de droite » tant décrié qui s’appellera Vigilante. Winner, l’ami de la police et supporter de Thatcher fut taxé de « fasciste » à la suite de ce film. Il en réalisera deux suites dans les années 80.

« Ces voyous mijotent un mauvais coup… »

« Aah! »

« L’heure n’est plus à la fête. »

« Vigilance en marche. »

« Et merde… »

« Et re-merde… »

« Mais vous le faites exprès… »

Et voilà le résultat.

« Dieu, aide-moi à trouver le chemin de la vérité dans ce dédale de crime et de corruption. »

« Compte là-dessus mon gros. »

« I don’t want to live in a tolerant society. I want to live in a very intolerant society. »

À la mais’.

Excepté le chouette film d’horreur The Sentinel en 1977, Winner ne fera plus grand chose de fou par la suite (non-cité ici et un peu à part, The Nightcomers de 1971, une adaptation du Tour d’écrou de Henry James avec son acteur préféré, Marlon Brando), malgré sa relative bonne acclimatation aux canons du cinéma américain, il va plutôt se concentrer à compléter sa collection d’art, organiser des dîners de patron, et devenir un critique gastronomique de renom (après avoir commencé comme critique musical dans NME!). Il en mourra d’indigestion.

Pétés !

Ce fils de franc-maçon a refusé l’OBE, la légion d’honneur britannique, et a fini par se marier pour la première fois à 75 ans, histoire de faire jaser, lui qui revendiquait plus de 130 conquêtes (dont sûrement Sophia Loren!). Conservateur et libéral, pas pc pour un sou, Winner a toujours tout fait pour se faire détester, et pourtant, les anglais l’adorent. Le seul atout sympathie (outre des fonds versés pour un mémorial dédié aux policiers tués (qu’il trouvait finalement affreux)) que les médias ont ressorti après sa mort le 21 janvier 2013, c’est cette fameuse émission de télé en direct où il prit la défense de deux lesbiennes.

Auteur de 30 films, ayant traversé 7 décennies de cinéma, Winner aimait souvent à rappeler:

« If you want art, don’t mess about with movies. Buy a Picasso. »


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