LA VIRÉE SUPERBE (1974, Gérard Vergez)
Argenteuil, été 1973. « Un petit coin où Claude Monet… plantait souvent son chevalet… Au passage merci à Francine… sans qui ce film ne serait pas. » Le ton est donné d’entrée. Imaginez Les Valseuses tourné dans une MJC. Des potes s’emmerdent chaque week-end sur les bords de Seine et trompent leur ennui en faisant rugir leurs motos, comme le dit le pitch. Ils font aussi du théâtre, piquent des sacs à main et se battent avec les flics. C’est d’ailleurs un des leurs, Roger, qui se retrouve aux prises avec un képi en plein chantier de la Gare de Lyon, course-poursuite, paf, bang, drame. De là, blessé à la jambe, le fugitif tombera sur un autre fugueur (moment relou du film), qui l’entraînera dans une prise d’otages loufoque lors d’une teuf de meufs, le soir du 14 juillet.
Moments marquants : des policiers repassant le drapeau français avant le défilé interviewés par une émission de télé, des ateliers street-art pour les gosses sur des terrains vagues, des moments Anne Gousset (future Madame Daniel Auteuil !), des coups de pression, des coups de téléphone, des disputes, des manèges, des motos la nuit, tout ça dans une atmosphère très libertaire. Le slogan de 1973 ? Pas de scénar, que du zénar. Et à la fin, la case prison, puis tout recommencer. Un film faussement comique.
LA COUPE À 10F (1975, Philippe Condroyer)
Abbecourt, hiver 1974. Bienvenue dans la campagne de Beauvais, là où si tu ne retournes pas la terre, c’est elle qui te retourne. Bref. Philippe Condroyer a réalisé 3 films pour le cinéma, Tintin et les oranges bleues, Un Homme à abattre, excellent thriller d’espionnage barcelonais avec JL Trintignant et Valérie Lagrange (oui, oui) et donc ce drame capillaire, inspiré par un fait divers tragique *spoil* : le 24 septembre 1970, en Ille-et-Vilaine, un jeune employé d’une menuiserie locale se donne la mort à l’âge de 18 ans, il n’avait pas supporté que son patron exige qu’il se coupe les cheveux. Remonté à bloc par cette histoire, Condroyer caste Hervé Lasseron, inoubliable gueule 70’s (vu dans La Virée superbe justement, et dans Charlie et ses deux nénettes de Joël Séria), Didier Sauvegrain alias André, l’anti-héros du film et 2/3 autres tchevoleks qui consituent une bande, bande qui n’a rien à voir avec le film suscité. Ici pas de motos, c’est plutôt à 5 dans une R5 ou en vélo avec Léone (Roseline Vuillaume), au milieu des champs de l’Oise à perte de vue.
C’est une vie modeste, la dure loi du salariat, les fils à la fabrique de meubles, les darons à la ferme ou à l’usine, le froid, le bled désertique, puis des moments d’évasion, avec Léone donc, pendant une scène digne d’un film de Séria ou le chauffeur de la fabrique se rend de marché en marché et embarque le couple dans une virée nocturne en camion, et puis l’art, André a carrément son local peinard pour peindre. Pas de larcins non plus, le seul crime des 5 gars ? Avoir les cheveux longs. Pendant 1h40, on assiste à un bras de fer entre un patron, bien aidé par ses sous-fifres, et ces jeunes qui refusent de se plier à ces nouvelles règles abusives. Qui flanchera le premier ? André, tiraillé de tous les côtés par l’image des parents, le regard des copains, l’amour-propre, l’injustice dont il est victime, devra trancher. Tout est vrai, et forcément tragique à la fin. Sur une bande-son jazz. Vous ne regarderez plus jamais vos cheveux de la même façon. Et le ticket du coiffeur non plus d’ailleurs (10fr = 1,54€).
LES LOULOUS (1977, Patrick Cabouat)
Créteil, printemps 1975. Et les loulous roulaient, et les loulous roulaient ! C’est presque du Voulzy. Du Voulzy classé X. On se demande pourquoi le film a été interdit aux moins de 18 ans d’ailleurs. En mode turbo ça donne ça : Valérie Mairesse à poil, Little Bob Story sur scène, des motos, du chômage, une MJC mise à sac, de la peur fabriquée, une balle perdue dans un troquet : la cité brûle. Ce drame français est plus proche du film socio-expérimental que du porno. Typique de la fin des seventies, on prend un fait divers marquant, ou moins, et on le réutilise pour cristalliser le malaise de la jeunesse et des banlieues. Ici, ça se transforme en ciné-essai sur l’hôpital psychiatrique après que le héros y soit interné. Mouais.
On gardera juste cette excellente phrase : « Au bal où ils se sont connus ou dans la rue, avec les copains et sur les motos, ils vieillissent, s’affirment et se durcissent à mesure qu’ils prennent conscience de l’existence que les adultes semblent leur avoir réservée. Leur solitude et leur marginalité leur apparaissent de plus en plus évidentes ». Ainsi que l’affiche, plutôt réussie.
DERNIÈRE SORTIE AVANT ROISSY (1977, Bernard Paul)
Sarcelles, été 1976. Deuxième fable indispensable des années loubards. Premièrement, bonne zic d’Eric Demarsan et Philippe Sarde, on dira ce qu’on voudra mais c’est toujours un plus. Ensuite, on a le panel de personnages typique du genre : Anne Jousset, encore et toujours, garçonne attachante avec voix qui déraille, Roselyne Vuillaume (vue dans La Coupe à dix francs, oui, la loubxploitation est un petit circuit) en jeune femme libérée, Sabine Haudepin (le petit lot de Passe ton bac d’abord de Pialat) en petit sœur sous influence, avec des images de société capitaliste moderne plein la tête et plein de désirs d’adultes vus à la TV, Pierre Mondy en père et patron largué (non, ne partez pas !), des Arabes et des fils de prolos qui glandent, des chiquenaudes, la routine plombante, la solitude, la truanderie, les embrouilles, une architecture périurbaine dégueulasse et toujours cette expression en tête, « c’est du provisoire ». Puis fatalement, le passage à l’acte, pétage de plomb et grosse pétoire. « Vous le connaissiez ? Il avait l’air si gentil ». Bah ouais mais il aurait ptet fallu ne pas le pousseeeer, hein ??? Le générique est accompagné, comme souvent, d’une estafette quittant le quartier, sirène au vent. Un film garanti 3P : prolétaire, pessimiste et prémonitoire.
LA BOURGEOISE ET LE LOUBARD (1979, Jean-Louis Daniel)
Paris, hiver 1977. « Marcel, loubard à col blanc, braqueur d’occasion rencontre Barbara, la femme d’un petit industriel. Triste et désœuvrée celle-ci se laisse séduire par l’insolence du jeune homme. Marcel défoule avec elle sa violence et sa tendresse. Barbara lui donne de l’argent mais il se sent pris au piège. Il tente alors de fuir Paris avec Anita sa compagne des mauvais jours. En vain… Par provocation et par désir d’humilier le mari de Barbara, Marcel et son ami Maurice organisent un casse dans son usine (scène qui influencera Point Break). Le coup est réussi mais Marcel ne pourra supporter ni l’échec de son histoire d’amour avec Barbara ni le suicide d’Anita. » Ça va, on vous emmerde pas trop ? C’est quoi cette merde ? On dirait Le Pont du nord mais tourné par Max Pécas. C’est le premier film (erotico-expérimental) de JL Daniel qui nous gratifiera quand-même 5 ans plus tard des Fauves, fier félin à mettre directement dans le Top10 du Polar80. Le dernier film de Monsieur Daniel s’intitulait ni plus ni moins Vodka Gunblast et est sorti en 2000. En voici la bande-annonce. Depuis, curieusement, plus de nouvelles !
POUR UNE POIGNÉE DE (VIEUX) LOUBARDS :
– La Ville Bidon (1971, Jacques Baratier)
– La Rage au Poing (1973, Eric Le Hung)
– L’Agression (1975, Gérard Pirès)
– Loubards, le livre.
– Loubards70, le dossier.
– Loubards sans fards, la société vue par un lycéen de 17 ans.
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