Tout ce qui est gentil est menteur.

« Avec Machiavel, on quitte l’antique et le médiéval et on entre de plain-pied dans la belle désilluse… La politique est quand même plus compliquée qu’un excès de bile, constate le Florentin. Elle est une technique pointue de jonglerie avec des tas de paramètres, et l’homme de gouvernement doit avoir les yeux en face des trous. Faut arrêter les contes de fées… Le politique ne monte pas au pouvoir parce qu’il est gentil ou que ça fait plaisir. Seulement, au fur et à mesure de son ascension vers le pouvoir, il s’est inséré dans un jeu complexe de frictions, de puissances, de rapports de force. Quand la force du pouvoir domine, on dit que l’ordre règne. Quand se présente une autre force qui conteste, mais en vain, et qu’elle est dominée, on dit quelle est une violence illégitime. Mais « ordre, « violence », « légitimité », c’est des mots creux qui ont besoin du rasoir d’Ockham… Il n’y a que les rouages glacés de la machinerie d’État. La guillotine était-elle méchante? Non. Elle était efficace. En politique, depuis Machiavel, tout ce qui est gentil est menteur.

[…]

La pire des erreurs, en politique, c’est l’indignation. Comme s’il fallait être digne pour faire de la politique ! […] Tous ces grands dépendeurs d’andouilles végétariens et asexués feraient mieux de relire Machiavel. Ils apprendraient que la politique est le règne de la force et que quiconque refuse l’exercice de la violence a déjà perdu le combat. Quiconque s’indigne de l’exercice de la violence, chez l’ennemi ou chez soi, celui-là laisse faire l’ennemi. Ils pourraient au moins se souvenir par exemple de Gandhi donnant l’illusion d’être pacifiste par-devant. Mais c’était pour mieux endauffer la couronne britannique par-derrière, car ses grèves mettaient à genoux l’industrie textile. Si c’est pas une violence déguisée, ça, que de taper au lazingue des patrons!… Gandhi? Derrière son sourire marloupin de pseudo-pacifiste, Gandhi fut le premier skinhead… »

33 leçons de philosophie par et pour les mauvais garçons, Alain Guyard, 2013. (Le Dilettante)
Légende: Les piliers de la société, Edgar Grosz, 1926.

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