TOUS LES ARTICLES LITTERATURE

L’emploi du Temps

« Si, du moins, on pouvait se persuader que le temps n’existe pas, qu’il n’y a aucune différence entre une minute et plusieurs heures, entre un jour et trois cents jours, et qu’on est ainsi de plain-pied partout ! Ce qui fait tant souffrir, c’est la limite et la limite succédant toujours à la limite. Notre âme captive dans un étroit espace n’en sort que pour être enfermée dans un autre espace non moins exigu, de manière que toute la vie n’est qu’une série de cachots étouffants désignés par les noms des diverses fractions de la durée, jusqu’à la mort qui sera, dit-on, l’élargissement définitif. Nous avons beau faire, il n’y a pas moyen d’échapper à cette illusion d’une captivité inévitable constituée successivement par toutes les phases de notre vie qui est elle-même une illusion. »

Méditations d’un solitaire, Léon Bloy, 1916.
Légende: L’Emploi du Temps, Laurent Cantet, 2001.

Le temps passe et les têtes tombent

« C’est comme ça que Batou a récolté deux têtes, un doublé assez rare. Elles constituent deux beaux trophées, qui sentent encore. Les premiers jours, je me demande comment le village a pu résister à une pareille puanteur. Je prends deux photos. Malheureusement je ne dispose pas de flash, et c’est sous la lumière de pauvres chandelles que je tire en pose, appuyé contre un poteau. L’une des têtes portent encore des cheveux, et des centaines de vers blancs batifolent sur les lèvres qui pendent, oh combien bas… Pas folichon, et quelle réunion de mouches ! Drôles de mœurs décidément. Enfin, ça les regarde. Qu’ils coupent les têtes qu’ils veulent, du moment que ce n’est pas la mienne, mais qu’ils n’empestent pas tout le village. La fin de l’histoire, authentique, ne manque pas de fumet. Le dernier œil, qui pendait encore, étant tombé par terre, fut ramassé par un enfant de deux ans qui, sans doute dégoûté par cette odeur peu appétissante, le jeta dans la marmite. C’est sa mère, au cours du repas, qui découvrit le pauvre œil… sous sa dent. Ces têtes avaient été coupées huit jours plus tôt… LIRE LA SUITE

Baudelaire la baudruche

« Tenez, rouvrons les Fleurs du Mal. Voici l’Homme et la Mer. Rassurez-vous, je me bornerai à en lire le premier vers : Homme libre, toujours tu chériras la mer. Affirmation péremptoire et gratuite. Un homme libre peut très bien détester la mer. Voyons maintenant les Chats. Le sonnet commence ainsi : Les amoureux fervents et les savants austères – Aiment également en leur mûre saison — Les chats puissants et doux… Je vous le demande, pourquoi les amoureux et les savants aimeraient-ils nécessairement les chats et pourquoi en leur mûre saison ? LIRE LA SUITE

Le confort intellectuel

« Il se peut que le confort passe pour un privilège de la bourgeoisie. Et après ? Il n’y a là rien qui le condamne. Il me semble que si je me présentais à la députation dans un quartier ouvrier, mon premier soin serait de promettre aux citoyens le confort matériel. Je ne crois pas que les candidats en usent jamais autrement. Et si, après avoir promis à mes futurs électeurs le confort matériel, je leur promettais le confort intellectuel, ils n’auraient pas lieu d’être froissés ni mécontents, au contraire. En fait, je n’irai jamais solliciter les suffrages de la classe ouvrière. Elle m’inspire bien sûr des sentiments chrétiens, mais assez proches de l’indifférence. Pourquoi ne le dirais-je pas, puisque c’est la vérité ?
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Presse-Revues

SCHNOCK #10
10 numéros, 3 ans, une compile, c’est la fête. La couv’ illustre la meilleure partie de tennis jamais filmée dans l’histoire du cinéma. Celle de Nous irons tous au paradis, la suite d’Un éléphant ça trompe énormément, le dyptique d’Yves Robert. Un des quelques exemples de suites qui surpassent l’original. Sur le court : Claude Brasseur, Victor Lanoux, Guy Bedos et Jean Rochefort qui interviennent tous dans la revue. Enfin pas Rochefort malheureusement, remplacé par Marthe Villalonga et Annie Duperey, c’est dur pour gagner un set. LIRE LA SUITE

La plaie du monde civilisé

« – Vous êtes un enfant, répéta Clara… Et vous parlez comme en Europe, cher petit cœur… Et vous avez de stupides scrupules, comme en Europe… En Chine, la vie est libre, heureuse, totale, sans conventions, sans préjugés, sans lois… pour nous, du moins… Pas d’autres limites à la liberté que soi-même… à l’amour que la variété triomphante de son désir… L’Europe et sa civilisation hypocrite, barbare, c’est le mensonge… Qu’y faites-vous autre chose que de mentir, de mentir à vous-même et aux autres, de mentir à tout ce que, dans le fond de votre âme, vous reconnaissez être la vérité ?… LIRE LA SUITE

Savoir tuer !

« – C’est que l’art ne consiste pas à tuer beaucoup… à égorger, massacrer, exterminer, en bloc, les hommes… C’est trop facile, vraiment… L’art, milady, consiste à savoir tuer, selon des rites de beauté dont nous autres Chinois connaissons seuls le secret divin… Savoir tuer !… Rien n’est plus rare, et tout est là… Savoir tuer !… LIRE LA SUITE

Généalogie de l’Âme

« Les croquants dont je suis ne savent rien ou presque rien au-delà de leurs aïeux immédiats, paternels ou maternels ; mais les uns comme les autres ignorent invinciblement leur parenté surnaturelle, et les gouttes d’un sang plus ou moins illustre dont se réclament les superbes ne constituent pour personne l’IDENTITÉ. LIRE LA SUITE

Impossible de fermer l’œil

« Tout à coup je m’aperçus avec horreur qu’ils n’avaient pas de paupières. J’avais déjà vu des soldats sans paupières, sous le hall de la gare de Minsk, quelques jours plus tôt, à mon retour de Smolensk. Le froid terrible cet hiver-là avait produit les cas les plus étranges. Des milliers et des milliers de soldats avaient perdu les membres; le gel avait fait tomber par milliers et par milliers des oreilles, des nez, des doigts, des organes génitaux. LIRE LA SUITE

Iceberg Slim: Talking Jazz

De son vrai nom Robert Lee Maupin, Iceberg Slim fut, est, et restera l’archétype du mac modèle, qui engendrera, bien malgré lui, générations de voyous. Il aura suffit d’un livre, un seul: PIMP, the story of my life sorti en 1967 pour installer la légende. Une autobiographie violente, glauque, sans espoir, et sûrement aussi un peu mytho. Des contes du racisme et du sexisme ordinaire. 20 ans à arpenter le turf, de 1940 à 1960, 20 ans à renifler des noires et de la blanche, de Milwaukee à Chicago en passant par Rockford, Illinois. Il raccrochera le manteau de vison pour écrire sa vie… sans se douter qu’il ne sera pas au bout de ses soucis…

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